Traduction : Céline Romand-Monnier
La vérité, c’est que j’ai horreur de plonger. Horreur. Mais c’est une de ces choses auxquelles on ne peut pas se soustraire, comme un examen rectal quand on a mal au cul, et le viol mental des psys quand on a voulu se tuer.
Tu me manqueras demain :
Que se passe-t-il quand vous cherchez vos démons et quand vous les trouvez ?Ancien enquêteur de la police des polices, Thorkild Aske vient de purger une peine de prison. Quand son psychiatre lui propose de retrouver le fils d'un couple d'amis, il ne peut refuser la mission : Le jeune homme, qui réhabilitait un phare en hôtel, n'a pas donné signe de vie depuis plusieurs semaines.
Avec la nuit polaire arrivent les tempêtes d'automne. On dit qu'à cette saison il n'est pas rare de voir des êtres surnaturels voguer sur l'eau. Sur l'îlot du phare battu par les brisants, Aske s'aperçoit bientôt qu'il n'est pas seul.
Formé aux meilleures techniques d'investigation et d'interrogatoire, Thorkild Aske, bourré d'antidépresseurs, perd pied entre chausse-trappes et apparitions qui défendent l'entendement. Peut-il encore faire confiance à ses sens ?
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Rendez-vous au paradis :
Après avoir quitté la police, survécu à plusieurs tentatives de suicide et à une tentative de meurtre, Thorkild Aske se voit présenter une alternative par son psy : un atelier de fabrication de chandelles financé par l'agence pour l'emploi ou une mission de documentation pour une autrice de polars.
Le choix est vite fait !
Thorkild se penche sur la disparition de deux adolescentes et rassemble les informations qui doivent servir de toile de fond au roman tant attendu de Milla Lind. Un jeu de faux-semblants commence. La mission de documentaliste vire au cauchemar.
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Les prévisionnistes l’ont annoncé, les températures tardent à le confirmer mais l’été sera caniculaire semble-t-il. Il l’est déjà pour une bonne partie du Canada et de l’Amérique du Nord. C’est la ruée vers les climatiseurs. On peut également tenter une expérience de pensée : le refroidissement littéraire. À 50°C sur l’asphalte fondant, l’exercice trouve vite sa limite, je songe.
Le héros/héroïne du polar nordique se doit d’être une boule
de nerf dépressive, aussi enjouée qu’un bol de morve déposé dans une station-service
désaffectée d’une route oubliée un soir de pluie.
Heine Bakked a LA bonne idée. Tant qu’à présenter un héros mutilé
par la vie, cette enflure, il enfonce le clou, et même si on en voit plus le clou,
il cogne encore.
De cet acharnement émerge Thorkild Aske, ancien flic, médicamenté
à l’extrême, gavé de pilules et autres cachets pour juguler les effets
indésirables qui se croisent. Ce personnage fait le sel de ces deux romans,
plus que les enquêtes bien foutes, répondant au cahier des charges du thriller
qui se respecte.
Aske fait preuve d’un humour réjouissant, encaissant
stoïquement les tombereaux de merde fumante qui se déverse sans fin et sans
frein sur sa silhouette émaciée. Une auto-dérision, parfois très noire, parfois
surprenante, telle cette libération jubilatoire, ce bouchon qui saute à la
suite d’une constipation frôlant l’occlusion : « Le glacier est libéré.
Lentement mais sûrement, les forces de la nature guident l'ancestral mastodonte
sur des sentiers lisses, fraîchement huilés. On atteint le crescendo, la purge
a commencé, et la chanson de la radio se termine dans un cri.
"Enfin!", je soupire en enfonçant mes coudes dans mes cuisses.»
De l’usage des laxatifs dans le Noir, une terre inexplorée jusque là me semble-t-il. Ces deux premiers tomes méritent mieux que mes digressions intestinales. Ce Thorkill demande plus qu’un œil distrait, c’est bien les deux yeux ouverts qu’on lit les aventures de cet homme brisé. Il ne doute jamais de la pérennité de sa brisure, il ne cherche aucune résilience. Entre Shutter Island et Wallander, Thorkild Aske vaut le détour et un arrêt complet !
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