samedi 1 janvier 2022

 


Quatrième lecture PMP 2022

« [...] les yeux mi-clos, avec la mine extatique d’un mongolien qui vient d’apercevoir la culotte de l’éducatrice [...] »

Banquier sulfureux, Alexandre Varga disparaît mystérieusement avec une vidéo convoitée à la fois par un député corrompu, les services secrets italiens et le Hezbollah. 

Une lettre énigmatique à son fils Claude transforme celui-ci en cible pour tout ce beau monde. Emile K., ex du GIGN reconverti dans le privé, pourra-t-il l'aider ou l'enfoncer ?

Serge Quadruppani est un vieux routier. Les @editionspoints ont eu la bonne idée de rééditer ce texte introuvable en poche, datant de 1991. On y lit les obsessions de Quadruppani, sa colère et ses luttes. Car l’ami Serge n’est pas à gauche de l’échiquier politique, non il est carrément à côté, loin à la senestre du damier. Dans Y, Serge diffuse ses antiennes gaucho et vous savez quoi... C’est loin d’être désagréable ce regard acéré, amer et tendre, sur les plus modestes même si on en croise peu finalement dans ce premier tome d’une trilogie sur la trajectoire d’un ancien Trostko infiltré un temps au GIGN, débarqué du service et qui vend ses compétences à celles et ceux qui en ont besoin.

Jean-Patrick Manchette asséna que Quadruppani était « ce qu’il avait lu de plus intéressant ces dernières années ». Ce n’est pas étonnant tant Y Fait souvent songer à Manchette et notamment sa Postions du tireur couché. Emile K est un reflet déformé du tireur du roman de Manchette. On retrouve ce même sens de la parodie, ce ridicule affleurant sous les Holsters et sur la culasse des armes automatiques. Ainsi K est un homme à la raison vacillante, sujet à des accès de dépression entre deux broyages de rotules et concassages de boîtes crâniennes. Serge reste cependant dans une tendresse pour ses personnages, éloigné de la radicalité nihiliste de Manchette.

Le tout porté par un style dense, nous ne sommes pas tout à fait dans l’épure. C’est là que le reflet atteint ses limites et que la déformation joue à plein. Si Manchette atteignait une sobriété fiévreuse, Quadruppani s’enferre parfois dans une profusion agaçante qui vire à l’affèterie avant de trouver plus loin des fulgurances de plume. La lecture avance par à-coups, comme un échange de coups de feu dans la nuit.

Elle avance vite néanmoins, car on s’attache à ce trio, le junkie, la femme fatale et le spadassin. Figures archétypales que Quadruppani s’amuse à dynamiter, avec un humour grinçant et percutant. La plupart du temps, on s’amuse bien nous aussi !

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