dimanche 23 janvier 2022

La nuit porte conseil... À condition de se réveiller.

Femmes blafardes. 

Et qui vous tirent la langue car elles ont été étranglées. 

Leurs yeux fixes ne sont plus que des étoiles glauques qui cherchent à percer la grande nappe qui les entoure, plus noire que la nuit, et où défilent à la dérive un tueur fou qui se prend pour le sadique du Yorkshire, un flic perdu dans la ville - et qui n'est le flic de personne - et une poignée de quidams serrés dans la main de la peur.

***

Ju-bi-la-toi-re.

Le refuge du critique, c’est que ça claque jubilatoire ! Ça tourne en bouche, rebondit sur le palais, cingle l’émail des ratiches pour finir en trombe sur nos tympans, percutant et vibrionnant. Jubilatoire c’est réjouissant en plus funky.

Jubilatoire a eu sa période, ça s’est un peu tassé, le nombres de livres jubilatoires ces dernières années était suspect. Car jubilatoire est une promesse, il promet beaucoup mais ne tient pas tant que le clament les bandeaux rouges amputant 1/3 des couvertures. Puis il a disparu jubilatoire, il s’est périphrasé : « une pépite », « un joyau », une perle », tout un vocabulaire minéralogique au service de la littérature.

Je me propose de réhabiliter jubilatoire, de le rétablir en son essence primordiale en clamant, ferme et serein : Femmes blafardes de Pierre Siniac est jubilatoire !

La honte sur moi. La vie et ses mystères ont occulté Pierre Siniac et j’ai dû attendre l’automne de mon existence, cette arrière-saison où la patine des années se fait plus pesante pour découvrir cet écrivain mort dans l’indifférence et que, à l’exemple de François Guerif, on devrait réhabiliter sévère !

Femmes blafardes est un Twin Peaks eighties hexagonal, revu et corrigé par un Chabrol sous amphètes. On y hume le graillon, la médiocrité et l’ennui abyssal. Mais Siniac n’a rien du parisien qui pose un regard condescendant et colonial sur ces lointaines contrées, rien ni personne n’échappe à sa plume explosive.

Trempé dans un humour noir féroce, Femmes blafardes détourne magistralement le roman de tueurs en séries. La pose d’un éventail près des victimes titille l’inventivité des plumitifs de la presse sérieuse et un « Jack l’éventeur » satisfait barre les manchettes du jour.

Femmes blafardes réussit l’exploit de nous proposer un jeu de piste démoniaque, une mécanique narrative précise et infernale, alors que l’identité du tueur compte peu finalement. Non ce qui compte c’est de savoir en quoi la présence de lapin au chasseur au menu influe sur l’assassinat de jeunes femmes et la disposition d’un éventail.

Carnassier, paillard, méchant et hilarant. Jubilatoire !

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