Première lecture Prix du Meilleur Polar Points (PMP) 2022
Traduction : David Fauquemberg
« Il lui est parfois arrivé de considérer ses aventures les plus présomptueuses ou malavisées comme des moulins à vent, mais ce projet-là, voué à l’échec, n’a rien d’une entreprise chevaleresque. Don Quichotte n’a jamais l’objet d’un chantage de la part de Sancho Panza, pour le pousser à enfourcher sa Rossinante, lance au poing. Pas plus qu’il n’a été contraint d’écouter ce salopard baratiner d’un bout à l’autre dans son oreillette. »
Ils se méfient l’un de l’autre mais vont devoir s’allier pour survivre.
Comment, à dix-neuf ans, peut-on renoncer à l’université alors qu’on a un vrai talent pour l’informatique ? Parce que votre mère est en prison pour trafic de drogue ? Pour céder au chantage qui vous pousse à l’espionnage industriel ?
Et comment, alors qu’on était un brillant journaliste d’investigation, retrouver sa crédibilité après une énorme erreur ? En travaillant pour un nouveau site d’information en ligne, mais sous la menace d’une source anonyme ?
Une association entre gens à problèmes peut-elle aboutir à des solutions ? S’engouffrer dans les zones les plus périlleuses d’Internet est peut-être une issue.
Quand j’ai parcouru le quatrième de couverture de Les ombres
de la toile, cette alliance entre un journaliste en mal de rédemption et une
jeune hackeuse borderline, deux pensées ont traversé mes synapses.
La première, j’ai lu Millenium ok ?! Mais ce polar
roublard, matois, de l’Ecossais Chris Brookmyre, n’a pas grand-chose à voir
avec Millenium. Samantha, notre jeune surdouée, n’est pas un clone light de Lisbeth
Salander. Bien moins torturée, elle traîne toutefois son lot d’emmerdes XXL et
a quelque chose d’une Cosette connectée.
Un personnage qui, si on prend le temps d’y songer, est une
image à gros pixel, qui peine à maintenir les clichés à distance. Mais Chris
Brookmyre ne nous laisse pas le temps d’y songer, son livre repose sur un tempo
aussi vif qu’un jeune chat devant lequel on agite un laser.
Ce qui m’amène à ma deuxième pensée : Skeet Ulrich. Qui
ça ? Un acteur, quelque peu second couteau, qui a joué dans Scream et plus
tard dans Takedown (finement traduit en Cybertr@que) sur la vie du célèbre
hackeur Kevin Mitnick. J’ai vu ce film et j’en garde un manque de tension
abyssal. Il est difficile de créer un suspense en voyant un geek bouffer du
code.
Là encore, Brookmyre déjoue mes prévisions. Il a le bon goût
de ne pas nous noyer sous un vocable techno-abscons. Il démontre que le hacking
repose avant tout sur la ruse. Un coup de fil judicieux, un jeu de théâtre savamment
distillé, repérage et minutage précis. Un Ocean’s two numérique.
Bondissant, plus azimuté qu’un Jack Bauer à qui on aurait
filé de la coke, Les ombres de la toile est un plaisir de lecture, nerveux, social
et pas si con. Un goodware en somme.
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