dimanche 23 janvier 2022

 


Traduction : Denise Nast révisée par Marie-Caroline Aubert

La peur est la clé de la nature humaine. Ils ont peur... 

Stan Carlisle, employé dans une tournée foraine, médite en assistant au numéro d’un geek, affreux poivrot qui décapite les poulets d’un coup de dents. Jamais il ne descendra aussi bas, jamais ! 

Jeune et séduisant, Stan nourrit de grandes ambitions et n’a aucun scrupule. Sa rencontre avec Lilith, psy blonde, implacable et glaciale, marque le tournant de sa carrière. L’heure est venue de berner les riches en convoquant leurs chers disparus dans des demeures cossues. 

Mais le Dr Lilith a percé à jour les nombreuses failles de Stan le Magnifique…

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Nigtmare Alley est un chef-d’œuvre. Un bijou de noirceur, un nadir de misanthropie acérée. Et d’une affolante modernité. Ce livre publié en 1946 semble avoir été écrit hier ou le sera demain. Le signe indubitable d’une œuvre impérissable ? Sans aucun doute mais également un révélateur débilitant de l’infinie étendue de la crédulité humaine et du pouvoir qu’elle confère à celles et ceux qui savent la manier. Si vous connaissez les ressorts de ce qui nous meut, grossièrement communs à cette humanité qui désespère William Lindsay Gresham, cette humanité finira par vous appartenir.

Ce livre repose sur une misanthropie forcenée alimentée par un alcoolisme consciencieux. Gresham rejoint ici la cohorte des grands auteurs de l’éthylisme. Sa plume semble parfois trempée dans du whisky frelaté. Gresham retranscrit cette répulsion mêlée de fascination pour l’ivresse, non pas celle mondaine, anecdotique, d’une noce célébrée, ou la cuite occasionnelle d’une soirée festive. Non il s’agit de l’hébétude insistante, l’alcoolisme appliqué, celui qui ne vous fait désirer rien de plus au monde que la brulure dans le gosier et l’oubli illusoire qu’elle procure.

Débutant dans une foire itinérante avec ses freaks et ses attrapes-gogo, on suit, presque malgré nous, Stanton, mentaliste de grand talent, arrogant et poisseux, qui cherche l’ultime arnaque qui le mettra définitivement à l’abri et lui fera accéder à cette élite qu’il ne peut que côtoyer. Et qui sur son chemin rencontrera le docteur Lilith, une psychiatre qui mettra à jour les failles de Stanton. Quel personnage phénoménal que cette Lilith, inoubliable. Qui pose le doigt là où il ne faut pas : l’orgueil. Celui qui aveugle, le meilleur allié du danger qui approche.

Dans un style limpide qui bascule à l’occasion dans un chaos lexical étrangement éclairant, Nightmare Alley enquille les paraboles et pose un défi impossible à relever pour le chroniqueur piégé en ces 2200 signes. Lire Nightmare Alley et renoncer à en exprimer pleinement l’incandescence et le génie... 

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