dimanche 23 janvier 2022


Au train ou allaient les choses, je m'attendait à tout. J'ai ouvert une boite de dragées et j'ai sorti mon P35, un Browning sous License Belge fabriqué par des Polonais sous l'occupation Allemande. Un Poème.
Paris, 1975 : les années pop, le papier mural à fleurs, les pattes d'eph'... Eugène Tarpon, un ex-gendarme désabusé, a quitté la police à la suite d'une bavure pour s'établir détective privé à son compte. Tarpon est un brave type au grand cœur, toujours prêt à défendre les plus faibles. 

Mais la chance lui tourne décidément le dos... Un soir, après quelques verres de trop, il décide de renoncer à son nouveau métier et de retourner vivre chez sa mère, en province. C'est alors qu'au beau milieu de la nuit, Tarpon voit débouler à sa porte une jeune femme en état de choc, qui répond au doux nom de Memphis Charles. Memphis a un sérieux problème : sa colocataire a été égorgée et elle a peur que la police l'accuse du crime. 

N'écoutant que son courage, le détective va se porter à son secours et se retrouver entraîné dans un tourbillon d'événements qui le dépassent totalement...

***

Doit-on déplorer une vague d’adaptite aigüe dans les BD ces derniers temps. En effet, la mode est à la mise en bulle de livres à succès. Tesson, Ellory, Agatha, Proust (!), tout le monde doit passer par la case cases en série.

Si on remonte à l’origine du phénomène (mais je ne suis pas un spécialiste), ainsi que le soulignait Marianne, on devrait retrouver Tardi et sa vision des œuvre apocalyptiques de Céline. C’est peut-être ce biais cognitif qui me fait retrouver une certaine similitude entre le caryon de Cabanes et Tardi.

La bonne idée est de piocher ce titre de Manchette, Morgue pleine (quel titre !) et de le retranscrire fidèlement, dans son époque et son jus. Manchette est le prince de l’oxymore. Son polar est plaisamment daté, furieusement ancrée en son époque, les années post-68 où l’extrême gauche tente de relancer la révolution en bandant ses muscles et le patronat tenté par les milices privées tenant lieu de négociations paritaires. On y croise les vieilles bagnoles, l’odeur du tabac froid dans les PMU du coin de la rue et les cinémas de charme. Mais, Morgue reste également d’une actualité crue, plus sûrement d’une intemporalité éternelle.

Cette adaptation s’appuie sur un matériau de base d’une grande qualité. Le roman de Manchette, l’un de ses meilleurs, est comme toujours le dynamitage intime du polar archétypal, ici la figure du privé hard-boiled. Le mec couillu qui s’en tire toujours d’une torgnole bien placée et providentielle. Manchette n’abuse pas de ce procédé, qui fonctionne parfois mais s’enraye souvent, son enquêteur Tarpon est un brave type un peu dépassé mais tenace.

Sur des dialogues ciselés, entre Audiard et Beinex, Cabanes tire son trait avec beaucoup de métier. Dans des pages moins sombres qu’usuellement, il fait du livre de Manchette, nihiliste et amer, une œuvre mutante, entre le manifeste néo-polar pur, dur et engagé et la farce picaresque oscillant entre le cynisme tendre et le ridicule viriliste. La présence du fidèle et talentueux Dog Headline au générique n’est certainement pas pour rien dans cette belle réussite.

Manchette en bulle, c’est d’la balle !

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