Relire nos classiques
Traduction : François Gromaire, révisée par Isabelle
Stoïanov
Recherché par la police, Hart erre dans les rues de Philadelphie en plein hiver et se retrouve par hasard pris dans un règlement de comptes. Pour échapper à une mort certaine, il décide de se faire passer pour un truand. Mais Hart n'est pas un voyou, c'est juste un type qui fait ce qu'il faut pour survivre au milieu des voyous...
***
Lire Goodis, c’est arpenter les rues sombres aux
pavés poisseux d’une grande métropole, une ville cannibale qui dévore ses
habitants comme Cronos boulotte sa progéniture.
Ce n’est pas moi qui l’écris, j’aurais bien aimé, mais cette
phrase percutante est l’œuvre de Laurent Guillaume, ancien flic devenu écrivain,
qui préface intelligemment cette tragédie qu’est Vendredi 13 (je lui ai chipé
le titre).
David Goodis se traîne une réputation d’écrivain dépressif,
qui balance ses personnages dans la désolation, dans quelque chose dont rien de
bon ne pourra sortir. Cette désespérance semble sortir de la courte vie de
David Goodis, contemporain de Hammett mais qui ne connut pas les ors de
Hollywood ni le succès, serait-il éphémère. Arrivé au bout de sa courte vie,
passablement imbibé, il coche toutes les cases de l’écrivain maudit, aussi fun
qu’un cormoran dans le coma.
Et pourtant... Les livres de Goodis ne trimballent pas
totalement un fatum poisseux. Pour preuve, ce génial Vendredi 13 qui introduit,
comme souvent, un rouage aux dents biaisées, le truc qui décale la machinerie
et toute la mécanique se grippe. Un homme va jouer un rôle dont il ne connait
pas le texte, un improvisateur permanent dont le talent se trouve sublimé par
le sens de la survie.
Le début de Vendredi 13 est jubilatoire, vif et bondissant. Hart
y cherche désespérément à respecter les codes du truand au sang-froid. Il
emploie la bonne vieille méthode de « j’envoie chier ce qui se présente »
pour montrer que le poids de ses testicules avoisine le quintal couillu.
Evidemment, Hart, un tendre, va vite percuter le sens des
réalités et les codes de la truande sont par trop glissants pour un gars comme
lui. Il sera sauvé par les femmes. Hart va ainsi naviguer entre les figures
archétypales du noir la garce pulpeuse et l’idéale évanescente. Archétypes dont
Goodis se joue finalement et finement.
J’ai une grande tendresse pour Goodis, j’aime celle qu’il pose sur ses personnages qu’il malmène mais sans les abandonner totalement. Très grand livre, la quintessence du Noir, le fatum est à la fête.
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