Traduction : Jacques Mailhos
Le privé C.W. Sughrue s’occupe désormais à plein temps d’un bar, ce qui ne l’empêche pas d’avoir de gros soucis d’argent. Assailli de procès, il se met au vert chez son vieil ami Solly, un avocat toxico qui lui trouve une mission insolite : récupérer des poissons tropicaux rares auprès d’un mauvais payeur, le chef d’un gang de bikers connu sous le nom de Norman l’Anormal.
Après une confrontation musclée à coups de mitrailleuse, l'affaire prend un tour inattendu, et Norman engage Sughrue pour rechercher sa mère, kidnappée par son mari.
C’est le début d’une course effrénée qui le mènera des montagnes du Montana aux immensités désertiques du Nouveau-Mexique.
***
Je ne sais plus où j’ai lu (peut-être bien dans l’excellent Dictionnaire amoureux du polar de Pierre Le maître, je n’en suis pas certain et j’ai la flemme de confirmer) que le polar est une école de la rigueur. Une histoire absconse, des raccourcis hasardeux ne pardonneraient pas, conduiraient à la sortie de route et aux tonneaux fracassant la tôle.
Dans le pur roman à énigmes possiblement. Pour le roman noir, cette sentence n’a pas plus d’impact que trente tonneaux à dos de falaise à pic sur le bolide de Vin Diesel. Car on cingle Raymond Chandler et on clôt le débat. Franchement ? Qui a compris quoi que ce soit au Grand sommeil ?
Le canard siffleur mexicain laisse planer la même expectative. Si on appartient à un lectorat féru d’angles droits et de parcours fléchés, ce livre sera source de frustration tant les sinuosités sont intrinsèques à son déroulé. Je ne suis pas contre les formes géométriques ordonnées, mais Crumley non, on ne peut lui demander ça. Crumley est amoureux de la disgression, rétif à la ligne droite.
Je n’ai pas tout compris au Canard siffleur mexicain sinon l’essentiel. Un polar si américain avec sa mystique du Viêt-Nam qui hante les protagonistes, cette fascination des armes à feu, cet arsenal déployé en un inventaire énamouré... Cette litanie de drogues dures et d’alcool enquillés sans que cela n’affecte ne serait-ce que la motricité de CW Sughrue mélancolique et tendre, très Marlowien pour le coup. Ce n’est pas pour rien que Philip Marlowe épigraphe ce Canard mexicain.
Ok, ce n’est pas le meilleur de Crumley s’il reste d’une virtuosité réelle, elle est plus intermittente. Mais on lit Crumley pour ses punchlines et sa morale élastique. Un livre où une phrase telle que : « - C’est malpoli de regarder quelqu’un en train de faire jouir un animal. » s’insère parfaitement dans la trame... Où l’amour filial n’occulte pas la lucidité : « J’aime pas dire du mal de ma mère mais la vérité c’est qu’il lui manquait bien deux trois canettes pour faire un pack de six. »
Un tel livre ne peut être mauvais.
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