Retraité depuis quelques années du service des forêts, Ray mène une vie solitaire dans sa ferme des Appalaches. Il attend sans vraiment attendre que son fils Ricky vienne le rejoindre. Mais celui-ci a d'autres préoccupations – se procurer sa dose quotidienne de drogue, par exemple.
Autour d'eux, leur monde est en train de sombrer : le chômage qui s'est abattu sur la région, les petites villes dont la vie s'est peu à peu retirée, la misère sociale, la drogue. Bref, l'Amérique d'aujourd'hui, dont Ray contemple les ruines, alors que les montagnes environnantes sont ravagées par un incendie.
Le jour où un dealer l'appelle pour lui réclamer l'argent que lui doit son fils, Ray se dit qu'il est temps de se lever. C'est le début d'un combat contre tout ce qui le révolte. Avec, peut-être, au bout du chemin, un nouvel espoir.
La région des Appalaches est l’enfer des édentés, des mobil-homes crasseux et des seringues usagés. Les états situés en son périmètres sont parmi les plus touchés par la crise des opioïdes, qui trouve son origine avec la commercialisation de l’OxyContin, vendu comme un antidouleur léger, une sorte de mercurochrome en gélule alors que c’est un puissant antalgique stupéfiant, initialement prescrits aux malades de cancers en phase terminale. Provoquant une intense addiction, les ravages de l’Oxy sont comme un feu de prairie imbibée d’essence.
David Joy décrit comment ce phénomène s’enracine dans une communauté jusqu’à la déliter totalement. Ce récit dense, puissant et fluide, à la plume acérée, est d’une lucidité poignante. Nos vies en flammes c’est comme un shoot qu’on s’envoie dans la jugulaire : direct et immersif sans effets secondaires notables sinon un remuement de l’âme.
Quelque part entre Irvine Welsh pour la description impitoyable de la figure pitoyable du junkie, monstre d’égoïsme, ne vivant que pour l’instantanéité du shoot, reniant ce qui le rattache à ses semblables et son mentor Ron Rash, pour l’amour de ces montagnes et de ces habitants, David Joy trace sa voie, inimitable, entre punchline, violence sèche, prose rimée et (dés)espérance.
Imparable !
NB : un article éclairant paru dans America, sur la crise des opioïdes sert d’éclairante postface. Les piqures, quand elles sont de rappel, sont toujours bonnes à prendre.
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