jeudi 13 janvier 2022

 ...vers de gigantesques désastres

« [...] la petite rengaine qu’on serinait sans cesse, parmi ce qu’on baptiserait de nos jours les éléments de langage, c’étais l’espoir d’une sortie honorable. »

La guerre d'Indochine est l'une des plus longues guerres modernes. Pourtant, dans nos manuels scolaires, elle existe à peine. 

Avec un sens redoutable de la narration, "Une sortie honorable" raconte comment, par un prodigieux renversement de l'histoire, deux des premières puissances du monde ont perdu contre un tout petit peuple, les Vietnamiens, et nous plonge au cœur de l'enchevêtrement d'intérêts qui conduira à la débâcle.

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Après Houellebecq qui fait de Houellebecq, Vuillard revient et fait du Vuillard. Ce n’est pas faux. Éric Vuillard a maintenant trouvé une niche éditoriale : s’emparer d’un pan de l’Histoire pour en raconter les histoires crapoteuses, extirper le h du H. 

Il le fait bien. Sur ce livre du moins. J’avais été moins convaincu par son prix Goncourt. Sans doute parce c’était aussi l’année du Zeniter et son Art de perdre que je considérais comme l’une des grandes injustices du « Drouantisme » avant de m’en désintéresser définitivement. Plus sûrement la montée du nazisme, sujet hyper rebattu, ne m’avait pas frappé par sa fraicheur. 

La guerre d’Indochine, coincée entre la Libération et les « évènements » d’Algérie est, elle, un angle mort de l’histoire contemporaine. Vuillard s’en empare avec son style ampoulé, ses phrases allongées à renfort de ; Cette plume dense, travaillée saisit le médiocre de l’époque. 

Admirables descriptions de députés vieillissants, la bedaine conquérante, régentant un peuple à des milliers de kilomètres. Le croyant alors que le vrai pourvoir est ailleurs, celui qui tranche sans en subir de conséquences, ni même de légers désagréments. 

Vuillard raconte la prédation, l’avidité commande, non un état-major dépassé, égaré dans une guerre déjà perdue. La scène du conseil d’administration de la banque d’Indochine où les grands bourgeois se félicitent d’avoir exfiltré leurs avoirs d’Indochine et engrangé des bénéfices records est quand même incroyable. Quand une banque d’Indochine se congratule de ne plus rien posséder (ou peu s’en faut) en Indochine.

La guerre d’Indochine n’en est pas une, elle est une mission de milice en faveur d’intérêts privés, gagner du temps pour engranger les bénéfices.  Une parabole chimiquement pure du Capitalisme. 

Cette partie du monde subira trente ans de guerre. Des générations ne connaîtront que la Guerre. Les conseils d’administration continueront. 

La niche de Vuillard n’est pas près de se refermer.

1 commentaires :

  1. Bonsoir, après L'ordre du jour, E Vuillard a trouvé sa voie. J'aime son écriture qui va à l'essentiel. Bonne soirée.

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