samedi 18 décembre 2021

Traduction : Sarah Amrani

Le fleuve, d'habitude, rend toujours ce qu'il prend. Mais ici on dit que celui qui ne sait pas nager de son vivant ne flotte pas non plus quand il est mort.

Dans une vallée brumeuse du nord de l’Italie, la pluie tombe sans relâche, gonflant le Pô qui menace de sortir de son lit.

Alors que les habitants surveillent avec inquiétude la montée des eaux, une énorme barge libérée de ses amarres dérive vers l’aval avant de disparaître dans le brouillard.

Quand elle s’échoue des heures plus tard, Tonna, son pilote aguerri, est introuvable.

Au même moment, le commissaire Soneri est appelé à l’hôpital de Parme pour enquêter sur l’apparent suicide d’un homme.

Lorsqu’il découvre qu’il s’agit du frère du batelier disparu, et que tous deux ont servi ensemble dans la milice fasciste cinquante ans plus tôt, le détective est convaincu qu’il y a un lien entre leur passé trouble et les événements présents.

Mais Soneri se heurte au silence de ceux qui gagnent leur vie le long du fleuve et n’ont pas enterré les vieilles rancœurs.

Les combats féroces entre chemises brunes et partisans à la fin de la guerre ont déchaîné des haines que le temps ne semble pas avoir apaisées, et tandis que les eaux baissent, la rivière commence à révéler ses secrets : de sombres histoires de brutalité, d’amères rivalités et de vengeance vieilles d’un demi-siècle...

On compare souvent Valerio Varesi à Georges Simenon. Comme d’habitude, ces comparaisons sont tout à la fois douteuses et éclairantes. Soneri travaille la pâte humaine, marche à l’intuition et prend des chemins de traverse qui recoupent rarement les procédures juridico-policières. À l’instar de Maigret, le commissaire Soneri possède une arme de service qui pourrait aisément servir de presse-papier. 

Seulement, la comparaison atteint vite ses limites, à mon sens. La plume de Varesi est plus ample, plus charnue, plus italienne en somme. Et Soneri est moins placide que Maigret. C’est un homme en colère, une colère sourde le plus souvent, parfois explosive. Quel personnage complexe que ce Soneri, attachant oui mais pas tant que cela. Peu aimable, il peut se montrer brusque et irrespectueux, envers son adjoint Juvara et sa fiancée Angela. Mais il trouve en cette dernière forte partie, ce couple fonctionne comme un duel qui cherche un équilibre instable et le redécouvre la plupart du temps. 

Dans ce premier roman (traduit ! Il s’agit du troisième de la série en vérité), Soneri hante les rives du Pô en crue, noyé dans un brouillard épais et une autre analogie, brumeuse elle aussi, me vient aux synapses. À tout prendre, Valerio me fait songer à James Lee Burke (et inversement), tous les deux accouchent d’âmes tourmentées et solidement trempées, profondément ancrés dans un territoire. Certes, Soneri est moins dévoré par ses démons (encore que...), ce qui en ces temps d’anti-héros dépressifs, alcoolico-suicidaires, aussi enjoués qu’un live de Dépêche Mode dans un chantier naval, est quasiment révolutionnaire... Comme Robicheaux, Soneri nous met l’eau à la bouche. Je déconseille de lire Valerio devant ces clubs sandwichs faméliques à moins d’être adepte d’un masochisme culinaire forcené. 

Bref, Valerio Varesi est un maître du polar, atmosphérique et entêtant. Un foutu écrivain.

Lisez Valerio et vous repartirez, une part d’Italie dans la poche. Franchement, c’est autre chose qu’un CD de Dépêche Mode.

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