« Voleurs de sables ou de poissons, tout le monde pillait le fleuve sans jamais ne rien lui donner. »
Dans le paysage d’eau et de brume de la Bassa, au bord du Pô, le commissaire Soneri est à l’aise. Avec les anciens du coin, il est le seul à bien connaître cette partie du fleuve, à savoir se déplacer entre les rives, les plaines inondables, les fermes éparpillées dans une terre qui semble habitée par des fantômes.
Alors quand deux cadavres sont retrouvés, c’est lui qu’on charge de l’enquête. L’une des victimes est un Hongrois tué d’une balle dans la tête ; l’autre, un ancien partisan, mort depuis des jours dans sa maison isolée.
Deux histoires différentes, liées par un fil que Soneri aura bien du mal à démêler. Entre les pêcheurs de silures venus de l’Est, un trésor de guerre disparu et le nouveau terrorisme rouge, le commissaire mélancolique et gastronome devra naviguer en eaux troubles pour résoudre cette affaire...
Une chose que sait faire le grand Valerio, c’est soigner ses
entrées. Dans Or, encens et poussière, il décrivait une scène éthérée d’un carambolage
dans le brouillard. La maison du commandant débute par une course où les
bouteilles de vins entreposé dans le coffre d’une voiture explosent sous la
houle automobile d’un Soneri à la poursuite de malfrats, les pops de bouchons
qui sautent rythment les accélérations et roulis des bolides en actions.
Tout l’art de Varesi est résumé dans cette scène, l’art de
poser une atmosphère, un climax. Ici les rives du Po, noyées dans la brume sont
l’illustration des tourments d’un commissaire Soneri en plein doute contre un
système qui offre toujours une porte de sortie aux carnets d’adresses ventrus
mais tape comme un forgeron sous amphète sur un voleur à la tire.
Renvoyant à son premier livre traduit en français Le fleuve
des brumes, La maison du commandant est une manière de boucler la boucle et de
fouailler plus avant dans les blessures du passé : ce fascisme qui n’en
finit pas de passer et de bourgeonner à nouveau. Et d’alimenter des colères
rancies, que l’on croyait reléguées aux manuels d’Histoire mais qui retrouvent
une modernité violente, cinétique sous la forme de balles qui ne sont pas
perdues pour tout le monde !
Soneri est un homme en colère, rageux de s’imaginer comme
l’idiot utile du Système, pour ce que ce terme veut bien recouvrir. Les enquêtes
comptent finalement moins que cette lucidité douce-amère d’un homme qui œuvre
de l’intérieur pour un monde, pas meilleur non, mais un tant soit peu moins
dégradé qu’il ne l’est déjà.
Splendide.
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