samedi 18 décembre 2021


Traduction : Natalie Zimmermann

Son crédo voulait qu’il n’y eût place que pour une seule vérité et qu’elle fût identifiable – mais une fois qu’on l’avait découverte, qu’advenait-il ? Connaître les capacités d’un ennemi vous donnait-il la moindre indication sur ses véritables intentions ? L’ennemi se dotait-il de certaines capacités dans le but de s’en servir un jour ou simplement pour que vous pensiez qu’il pourrait le faire ? C’est là que résidait la faille essentielle du travail de renseignement ; une faille qui plongeait nombre de ses professionnels dans une incertitude paralysante.

Dans 27 jours, un engin nucléaire va exploser à Téhéran. Si c’était un film, la CIA tenterait d’empêcher la catastrophe ; ici, elle en est le commanditaire.

Silas Sibley, un jeune espion de la Compagnie surnommé le «Trieur,» découvre le complot en mettant au point un nouveau système d’écoute téléphonique. Il l’ignore encore mais, pour sa vie aussi, le compte à rebours a commencé.

John Le Carré est parti. Les affamés de romans d’espionnage, ne se contentant pas de roulades commando et d’explication d’une demi-page sur le fonctionnement d’un satellite dernière génération, se sentent désemparés.

Heureusement, Robert Littell, le papa de Jonathan, s’il n’est pas de première jeunesse, est toujours de ce monde. Littell n’a peut-être pas l’ampleur et la densité de la plume de John, son style est plus direct, moins sinueux, plus limpide aussi peut-être. Mais dans cet Espion d’hier et de demain, ce n’est pas aussi tranché.

Ce livre est un labyrinthe mental. Silas Sibey est un jeune espion qui découvre un complot ourdi au sein d’une cellule déviante de la CIA. Son patriotisme obtus, qu’il fait remonter à son ancêtre, jeune héros de l’Indépendance américaine, Nathan Hale, figure symbolique du folklore étasunien, l’empêche de tout déballer à la presse pour ne pas mettre l’Agence dans l’embarras.

C’est donc une traque qui s’engage entre les tenants du complot et Sibley qui tente de pousser les comploteurs à abandonner leurs sinistres menés. Comme toujours, les personnages de Littell sont savoureux, subtilement décalés. Toujours adepte d’un humour cynique, à l’orée d’un absurde kafkaïen, Littell écrit des espions quelque peu ridicules, plus proches d’un Condor de James Grady que Le Smiley de Le Carré.

Ici, ce sens du burlesque se double d’une paranoïa galopante, d’un jeu de faux-semblant incessant, quasi Dickien, surtout en son dénouement. On pourrait presque comparer ce roman au psychotique Ubik du grand Philip. Littell a bien mérité son ode...

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