Traduction : Laure Manceau
Je l’aime bien ce Lee McPhail. J’en ai pas envie, mais c’est plus fort que moi. Joyeusement immoral, et du mépris à revendre pour tous les camps des absurdes guerres de religion qui secouent l’Irlande du Nord. Pour lui, le nationalisme est un vestige pervers du XIX° siècle, et le plus tôt les gens commenceront à penser à eux avant de penser à leur pays, le mieux ce sera.
Carrickfergus, près de Belfast, septembre 1983, en plein conflit nord-irlandais. L’inspecteur Sean Duffy, l’un des rares catholiques au sein de la police royale d’Ulster, est radié sur la base de fausses accusations (en réalité pour avoir royalement emmerdé le FBI…).
Au même moment, Dermot McCann, expert artificier de l’IRA et ancien camarade de classe de Duffy, s’évade de prison et devient la cible principale des services de renseignements britanniques.
Le MI5 extirpe alors Duffy de sa retraite alcoolisée afin que ce dernier les aide à traquer McCann. Mais pour débusquer la cachette du fugitif, l’ex-inspecteur devra d’abord résoudre une énigme en chambre close.
Sa quête le mènera finalement à Brighton, où se trame une tentative d’assassinat sur le Premier ministre britannique, Margaret Thatcher.
Le patriotisme revient à la mode, le nationalisme se pare désormais d’un impératif sanitaire. Je n’ai jamais cru à la beauté des nations, en quoi le hasard d’une naissance devrait infléchir un jugement sur son pays natal ? Chaque nation a sa part d’ombre, en comparer le périmètre à l’aune de ses voisines me semble une occupation propre à faire passer l’enculage des mouches pour l’acmé des activités humaines.
Mais j’ai une faiblesse coupable : l’Irlande. J’aime ce
pays et ses habitants. Quand d’autres rêvent de lagons et de sable chaud, j’ai
passé ma lune de miel à me tremper la tronche au Connemara. La Pina Colada ne
tient pas la distance face à la Guinness.
Cependant, si le soleil se fait rare en Irlande, l’ombre
portée est immense.
Sean McKinty via son héros Sean Duffy se charge de la piqure
de rappel. L’Irlande n’est pas que casquette en tweed, bière brune si dense qu’on
dirait de la soupe et cette musique... C’est également une malédiction, une
terre scindée en deux, où les absolutistes des deux camps se devraient se serrer
la main pour se féliciter du maintien du statu quo sanglant.
Ce dernier tome d’une trilogie, mais qui peut se lire indépendamment,
est tout à la fois une enquête de chambre close, un thriller haletant
rejoignant l’Histoire et la Légende (quelque peu malmenée sous la plume enlevée
de McKinty) et une radiographie saisissante d’un pays où un Sean Duffy vérifie chaque
matin sous sa voiture si une bombe au mercure n’attend pas de se déclencher. Sean
Duffy Irlandais qui travaille pour les Anglais, force d’occupation. Et s’arrange
du mieux qu’il peut avec cette contradiction.
Formidable bouquin, vraiment, qui rappelle à toutes fins utiles que celles et ceux qui ânonnent Nation soir et matin pensent aussi à eux, surtout.
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