Traduction : Marguerite Capelle
« - Je veux dire, répond Billy, qu’avec ce film je ne peux vraiment pas perdre. Si c’est un franc succès, c’est ma revanche sur Hollywood. Si c’est un flop, c’est ma revanche pour Auschwitz. »
Dans la chaleur exaltante de l’été 1977, la jeune Calista quitte sa Grèce natale pour découvrir le monde. Sac au dos, elle traverse les États-Unis et se retrouve à Los Angeles, où elle fait une rencontre qui bouleversera sa vie : par le plus grand des hasards, la voici à la table du célèbre cinéaste hollywoodien Billy Wilder, dont elle ne connaît absolument rien.
Quelques mois plus tard, sur une île grecque transformée en plateau de cinéma, elle retrouve le réalisateur et devient son interprète le temps d’un fol été, sur le tournage de son avant-dernier film, Fedora. Tandis que la jeune femme s’enivre de cette nouvelle aventure dans les coulisses du septième art, Billy Wilder vit ce tournage comme son chant du cygne.
Conscient que sa gloire commence à se faner, rejeté par les studios américains et réalisant un film auquel peu de personnes croient vraiment, il entraîne Calista sur la piste de son passé, au cœur de ses souvenirs familiaux les plus sombres.
1977, Billy Wilder, qui fut un ponte d’Hollywood, le mec qui
réalisa Assurance sur la mort, La garçonnière, certains l’aiment chaud (quand
même !) est devenu pire que mort. Il est triquard. Has been à 70 ans, bousculé
par le nouvel Hollywood, lui le disciple de Lubitsch peine à comprendre Taxi driver.
Billy Wilder a du mal à comprendre ce qu’est devenu le
cinéma en ces années de bascule, où la pellicule se blockbusterise inéluctablement.
Il ne conçoit pas qu’un requin blanc articulé devienne un phénomène de masse. Les
dents de la mer vident les plages et emplissent les salles obscures, et ça
Billy, il ne saisit pas. Ce qu’il appréhende, en revanche, contraint et forcé,
c’est que les Studios l’ignorent. Pour son avant-dernier film, il doit composer
avec des financements européens, allemands, notamment, d’où cette réplique en
pleine conférence de presse à Munich
Jonathan Coe relate la rencontre improbable, émouvante et
nostalgique entre une jeune grecque Calista bilingue Anglo-grec et deux
septuagénaires, Wilder et son fidèle scénariste et ami I.A.L. Diamond. Calista
va officier sur le tournage de Fedora, chant du cygne de Wilder. Lui qui fut un
phénix, est désormais considéré comme un pélican un peu pataud, et s’il est
encore reconnu et célébré, c’est pour des films tournés des décades auparavant.
J’avais délaissé quelque Jonathan Coe et j’y reviens avec ce
livre délicieux, parsemé de pages d’un comique fin, délicieusement anglais et d’autres
plus sombre. Particulièrement cette scène où Wilder répond à un jeune Allemand tenant
des propos révisionnistes d’un ton mesuré, raisonnable, tranquille. La réplique
de Wilder, orchestré par Coe comme un script cinématographique, est un modèle d’écriture
et de tension.
Un beau livre sur la transmission, l’âge qui passe, auquel
on accole volontiers une date de péremption.
Fedora, splendidement imparfait, fit un flop monumental, une magnifique revanche en quelque sorte.
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