samedi 18 décembre 2021



Traduction : Christophe Mercier

« L’ivrogne va à l’essentiel. Une forme chimique du sac et des cendres devient son blason. Il boit jusqu’à en perdre conscience, se relève et vide un autre verre de whisky qu’il fait passer avec une caisse de Tuborg ou deux litres de gros rouge puis répète le processus jusqu’à ce qu’il pénètre dans ce qui s’appelle une psychose alcoolique, se glisse entre les dents un double canon calibre douze, comme l’a fait Hemingway, et laisse sa famille nettoyer la pièce. »

À l’instar des Capulet et des Montaigu dans Roméo et Juliette, les familles Shondell et Balangie se haïssent depuis toujours. Deux familles mafieuses au sein desquelles le mal rôde. Seuls leurs enfants, Johnny Shondell et Isolde Balangie échappent à ce climat délétère : ils sont jeunes et beaux, il joue de la musique, elle chante comme un ange et… ils s’aiment. 

Mais telle une malédiction venue d’un autre âge, Isolde est « promise » à l’oncle de Johnny qui veut en faire son esclave sexuelle. Dave Robicheaux, lui-même en perdition à la suite du décès de ses deux premières femmes, se mêle de cette affaire et se rapproche de la famille d’Isolde, à ses risques et périls. 

Secondé par son fidèle et incontrôlable ami Clete Purcel, il va plonger dans un monde d’horreur littéralement moyenâgeux.

Dans mon dernier post, je tentais un parallèle entre Valerio Varesi et James Lee Burke en une tentative bancale mais non dénuée d’une vérité sinueuse de rapprocher deux de mes auteurs préférés. Cependant, Burke a une bibliographie plus conséquente que celle de l’ami Valerio. Cette Cathédrale à soi est son quarantième livre et le 23ème où officie Dave Robicheaux.

Le plus grand danger, à mon humble avis, qui guette le héros récurrent récurrant à haute dose, c’est la redite. Burke esquive le problème en le posant comme une constante de son œuvre. La redite il ne fait que ça.

Franchement, au point où on est, Robicheaux n’a plus d’âge, ni d’époque bien définie, ni de chronologie clairement établie. Eh oui, la sensation de lire un peu toujours le même livre est tenace. Traverser les mêmes tourments, contempler pour la énième fois la lutte intime et féroce que se livre Robicheaux à lui-même pour résister à l’appel de l’ivrognerie, le voir toujours effaré devant la grandeur d’âme de son frère d’arme, Clete Purcell, et sa propension à la violence.

Avec dans ce dernier opus, un basculement franc dans un fantastique qu’il frôlait dans ses précédents tomes, ce réalisme magique propre à la luxuriance moite de la Louisiane.

Alors ? Comment il fait Burke pour ne pas lasser ? C’est un putain de mystère. Certes cette plume toujours charnue, mélange de répliques sèches, poésie naturaliste et envolée mystique n’y est pas pour rien. Cette Cathédrale à soi, sorte de Roméo et Juliette vicieux, dévoyé, ne déroge pas à ce mystère. Burke surprend là où il n’y pas plus de surprise et nous happe encore.

Je me répète : comment il fait ?

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