samedi 18 décembre 2021

Traduction : François Happe

« Il n’y a qu’une chose à croire : une personne de couleur dans une pièce, c’est bien, deux c’est comme s’il y en avait vingt et trois signifie qu’on ferme boutique. »

C’est officiel : le vieux Sportcoat a pété les plombs comme ça, en plein jour et devant tout le monde. Personne ne sait pourquoi ce diacre râleur, adepte du “King Kong”, le tord-boyau local, a tenté de descendre sans sommation le pire dealer du quartier. 

Mais il faut dire que la fin des années 1960 est une époque d’effervescence à New York, et que le développement du trafic de stupéfiants n’est pas la moindre des causes d’agitation. 

Afro-américains, latinos, mafieux locaux, paroissiens de l’église des Five Ends, flics du secteur : tout le quartier est affecté par ce nouveau fléau aux conséquences imprévisibles.

New York. Début des années 70. Un quartier noir donc pauvre de New York. Deacon boit une eau de vie artisanale baptisée King Kong. Deacon est bourré du matin au soir et une bonne partie de la nuit. Ce qui amène que Deacon a un rapport, disons, fluctuant avec la réalité, les actes qu’il commet et les souvenirs qu’il en conserve.

Deacon ne garde pas mémoire d’avoir tiré à bout portant sur le dealer le plus en vue de la place, l’avoir raté (emportant une de ses oreilles tout de même) et se rendra à peine compte de la cascade d’évènements improbables qui va découler de cette folie cinétique.

James McBride est l’un des auteurs majeurs outre-Atlantique. Son récit autobiographique la couleur de l’eau est devenu un classique. Son phénoménal Oiseau du bon Dieu a obtenu le National Book Award. Chacun de ses livres crée donc un séisme éditorial et son dernier, Deacon King Kong sera peut-être rangé dans les poids légers de sa bibliographie qui promet d’être consistante.

C’est un bouquin enlevé, presque joyeux par moments, ce qui détonne quelque peu pour un auteur afro-américain, au milieu des Colson Whitehead et consorts. Un peu comme si June Osborne entamait un numéro de claquette dans la saison 4 de The Handmaid’s tale, voyez ?

C’est justement ce que j’ai aimé dans ce formidable bouquin. Cette foi en la solidarité des gens de peu, ces habitants qui se connaissent tous, se chicanent mais s’entraident malgré tout, malgré cette trajectoire foireuse semblant aussi immuable que la gravité ou l’impossibilité de tirer quoi que soit de bon d’un carré de tofu.

Toujours empreint d’une religiosité jamais pesante, la plume de Mc Bride ne perd rien de son picaresque en se déplaçant dans les tours délabrées d’une Big Apple qui se gangrène à grand shoot d’héro.

Que cette odyssée alcoolisée se termine sur une note d’espoir, que pour une (rare) fois l’inné et l’acquis se prennent une branlée, et on a envie de le remercier McBride. D’ailleurs... Pourquoi s’en priver ? Merci, James.

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