Traduction : Marc Sigala
Diriger un navire est une entreprise complexe, et hisser davantage de voiles ne le fait pas, en toutes circonstances, avancer plus vite. Les voiles au vent peuvent gêner les voiles sous le vent, et l'empilement de voiles en trop grand nombre peut faire gîter le navire, ce qui réduit sa vitesse. Plus un navire porte de voiles, plus le risque d'emporter un espar ou de déchirer une voile en cas de grain ou de rafale soudaine est important. il faut également tenir compte de l'assiette du lest, de l'inclinaison des mâts et de mille autres facteurs.
Mer des Caraïbes, 1721.
Les plus célèbres pirates sont morts ou sont en fuite. Jimmy Kavanagh, ancien compagnon de Barbe Noire, rassemble un équipage pour une dernière chasse-partie qui doit permettre d'assurer l'avenir de chacun.
Mais alors que tout commençait pour le mieux - les pirates repartent de Cape Coast chargés de l'or accumulé grâce au trafic d'esclaves - la mort prématurée de Kavanagh change la donne.
Et la belle épopée se transforme peu à peu en enfer...
Pfuit... Parfois, l'époque désespère... Mais où sont passés
les articles sur ce formidable roman ? Oui, ce livre est un phénomène. Un huis
clos étouffant qui se déplace sur les océans, où le « en même temps »
se déplace sur le terrain de la littérature, l’intime et le grandiose, l’introspection
et le spectaculaire, en même temps !
J’avais lu, déjà chez les distinguées Éditions Paulsen, la
biographie enlevée du navire L’Erebus. J’y avais constaté l’effarant pouvoir du
capitaine, son absolutisme achevé. Mais, et c’est un gros mais, L’Erebus ne bat
pas pavillon noir. Un bateau pirate est une bizarrerie politique, une sorte d’anarchie
plus ou moins régulée voguant sur mers. Le capitaine dispose également d’un
pouvoir effrayant mais il est contrebalancé par l’équipage représenté par le quartier-maître,
c’est donc une perpétuelle balance, un jeu de paranoïa galopante où la
mutinerie guette, bien plus fréquente que sur un vaisseau de la Navy.
Ce qu’illustre magistralement Tout l’or des braves est cette
comédie humaine, ces interactions politiques où la rotation du capitanat est l’occasion
pour Clifford Jackman de nous proposer un traité de sociologie politique, chaque
commandement reposant sur un système de domination différent et ses failles
intrinsèques.
Et puis... l’aventure ! Si vous avez été nourri comme
moi à Stevenson, vous ne serez pas loin de monter un autel à Clifford Jackman, hanter
les animaleries pour dégotter un perroquet flamboyant à la voix éraillée. Pourtant,
Jackman, s’appuyant sur un travail documentaire rigoureux, éloigne son œuvre du
folklore et propose une violence sèche et brutale. Il ne s’attarde pas sur les
pillages et batailles même si on en a notre lot (qu’il les fasse vivre sur un
plan unidimensionnel de cellulose n’est pas un mince exploit). Toute une époque
revit sous nos yeux et nos narines, ça sent la poudre, l’hygiène négligée et la
pourriture subséquente.
Tout l’or des braves est une tragédie, une allégorie
furieuse, intime et aventureuse sur la trame évanescente des rêves de grandeur.
Il faut lire Tout l’or des braves et regretter de ne pas s’en prendre 500 pages de plus à la fin !
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