Traduction : Olivier Schwengle
Commençons par la couverture, un acteur en gros plan, le
visage un peu poupin, irradiant une humanité lasse. Tom Wilkinson jeune semble
déjà usé. Je n’apprécie guère les actrices, comédiens ou les affiches des films
qui sont l’occasion de reformater la maquette des bouquins et relancer les
ventes. Ici, nous parlons d’un téléfilm anglais, estampillé BBC, où Charles
Resnick traque un tueur en série qui fait son choix dans les petites annonces
sentimentales.
Où l’on vous parle d’un temps où les moins de vingt ans devront
attendre avant de se Tinderiser.
Tom Wilkinson, donc, observe un suspect ou bien le monde qui
l'entoure avec le regard désabusé du flic chevronné, se trimballant quelques
kilos de trop et il écoute du... Jazz. Putain ! Que l’on me cite un flic
qui écouterait du rock à Billy, du Supertramp, de l’opérette, ça changerait non ?
Le nombre de flics qui écoutent du jazz donne le tournis. Cela me fait penser à
l’excellent @lucchomarat qui dézinguait cette manie de mentionner les goûts
discographiques des enquêteurs épuisés, ce systématisme à balancer du Miles
Davis dans l’autoradio.
Et pourtant, si John Harvey enfile quelques clichés comme d’autres
les incohérences sanitaires, force est de constater qu’on s’en fout. Radicalement.
Resnick traque un tueur en série lettré, manipulateur et diablement intelligent ?
John Harvey arrive à nous surprendre et à donner un petit goût d’inédit à cette
figure hyper rebattue. Surtout que le roman date de 1991, ils n’étaient pas si proliférants
à l’époque.
John Harvey est le pur représentant du roman noir anglais. Il
décortique le quotidien du policier minutieusement sans nous noyer de détails assommants,
déployant une humanité chorale, inscrivant ses avatars dans des interactions
sensibles, tragiques, comiques ; toute la palette en somme.
Tout autant que l’enquête haletante, ce sont la vie et les
amours de Resnick, les aléas de ses subordonnés, leur trajectoire, le sel et
poivre de l’existence que peint magnifiquement John Harvey de sa plume précise,
imagée, entêtante.
Cœurs Solitaires est un bouquin foutrement génial et la couverture est magnifique, comme quoi...
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