mardi 2 novembre 2021

 

Traduction : Olivier Schwengle

- Les flics qui me font vraiment perdre du temps sont justement ceux qui n'écoutent jamais leurs intuitions. Un peu comme un ailier qui passe bêtement le ballon sans jamais taper dedans, ni faire attention au jeu. Incapable de d'anticiper ni de prendre la moindre initiative. Vous voyez ?

Shirley Peters a été tuée, et son ancien amant l'avait menacée de mort. Pour l'inspecteur Resnick, il s'agit là d'un drame passionnel, ce genre de drame auquel il a l'impression d'être confronté tous les jours. 

Mais quand une seconde femme est sauvagement violée et assassinée, il semble évident qu'un "serial killer" est à l'œuvre et qu'il choisit ses victimes parmi les femmes esseulées qui cherchent un compagnon dans la rubrique locale des cœurs solitaires.

Commençons par la couverture, un acteur en gros plan, le visage un peu poupin, irradiant une humanité lasse. Tom Wilkinson jeune semble déjà usé. Je n’apprécie guère les actrices, comédiens ou les affiches des films qui sont l’occasion de reformater la maquette des bouquins et relancer les ventes. Ici, nous parlons d’un téléfilm anglais, estampillé BBC, où Charles Resnick traque un tueur en série qui fait son choix dans les petites annonces sentimentales.

Où l’on vous parle d’un temps où les moins de vingt ans devront attendre avant de se Tinderiser.

Tom Wilkinson, donc, observe un suspect ou bien le monde qui l'entoure avec le regard désabusé du flic chevronné, se trimballant quelques kilos de trop et il écoute du... Jazz. Putain ! Que l’on me cite un flic qui écouterait du rock à Billy, du Supertramp, de l’opérette, ça changerait non ? Le nombre de flics qui écoutent du jazz donne le tournis. Cela me fait penser à l’excellent @lucchomarat qui dézinguait cette manie de mentionner les goûts discographiques des enquêteurs épuisés, ce systématisme à balancer du Miles Davis dans l’autoradio.

Et pourtant, si John Harvey enfile quelques clichés comme d’autres les incohérences sanitaires, force est de constater qu’on s’en fout. Radicalement. Resnick traque un tueur en série lettré, manipulateur et diablement intelligent ? John Harvey arrive à nous surprendre et à donner un petit goût d’inédit à cette figure hyper rebattue. Surtout que le roman date de 1991, ils n’étaient pas si proliférants à l’époque.

John Harvey est le pur représentant du roman noir anglais. Il décortique le quotidien du policier minutieusement sans nous noyer de détails assommants, déployant une humanité chorale, inscrivant ses avatars dans des interactions sensibles, tragiques, comiques ; toute la palette en somme.

Tout autant que l’enquête haletante, ce sont la vie et les amours de Resnick, les aléas de ses subordonnés, leur trajectoire, le sel et poivre de l’existence que peint magnifiquement John Harvey de sa plume précise, imagée, entêtante.

Cœurs Solitaires est un bouquin foutrement génial et la couverture est magnifique, comme quoi...

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