mardi 2 novembre 2021


Traduction : Pierre Demarty

Le seul être humain en qui elle avait jamais placé se pleine et entière confiance, sans la moindre réserve, l'avait déçue ; le seul homme qu'elle eût jamais connu dont elle pouvait dire avec certitude : " C'est un honnête homme. Un homme d'une profonde honnêteté" l'avait trahie, publiquement, grossièrement, éhontément.

Milieu des années 1950. 

Jean Louise Finch, dite «Scout», est de retour à Maycomb, sa petite ville natale de l'Alabama, pour rendre visite à son père, Atticus. La nation se déchire autour des questions raciales. 

Confrontée à la société qui l'a façonnée mais dont elle croit s'être affranchie en partant vivre à New York, Jean Louise va découvrir ses proches sous un jour inédit ...

Un Jean Valjean parallèle. Hugo le réinvente sous les traits d’un vieux réac aigri qui boirait des coups avec les Thénardier, trinquant à l’exploitation enfantine. C’est que ça a du bon hein. C’est toujours ça de pris sur les charges.

Imaginons qu’on aurait trouvé ce récit inédit sous les lattes d’un parquet usé par le temps des pas qui passent. Que Victor Hugo ait bien claqué pour qu’on ne puisse pas lui demander ce qu’il lui a pris.

Harper Lee, peu de temps avant sa mort, publie Va et poste une sentinelle. Ce roman n’est pas un inédit de l’auteur à proprement parler, il s’agit du premier manuscrit, refusé par son éditrice, de ce qui deviendra Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur.

Dans Va et poste une sentinelle, Atticus Finch est vieux, meurtri par l’arthrite et aussi raciste qu’un Zemmour croisé avec Ivan Rioufol. Atticus trouve que le Klan, c’était mieux avant. D’ailleurs, il a laissé tomber la robe.

Ce qu’il veut Finch, c’est que les couleurs soient bien distinctes, il veut que tout le monde connaisse sa place, une lingette décolorante applicable à la vie quotidienne. Il est raciste, mais sobrement, administrativement. Il siège à un conseil prônant la ghettoïsation comme l’acmé de la politique urbaine, l’horizon indépassable du Sud profond.

Atticus Finch, le héros de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, est donc pensé en premier lieu (car Va et poste une sentinelle n’est pas une suite, il n’a pas été conceptualisé comme tel) comme un suprémaciste blanc bureaucratique, qui craint un déferlement de basanés qui mettrait en péril son mode de vie.

Il y a truc qui ne passe pas au niveau de la glotte.

En vérité, ce n’est pas bien terrible Va et poste une sentinelle, bancal mais riche de promesses dans les chapitres narrant la jeunesse de Scout devenue grande. Ce qui fera le sel de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur.

L’éditrice n’est pas la méchante dans l’histoire Un livre est, aussi, parfois, une conjonction et un compromis.

Je ne reviendrais pas sur le glauque serpentant sous le coup éditorial de cette parution tardive. Mais je reviendrais à Harper Lee et son oiseau moqueur. Juste après.

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