À quinze ans, Dominique se voyait déjà promener ses presque deux mètres à travers la campagne vosgienne sur une Peugeot 103 orange. Il a fait beaucoup d’efforts pour l’avoir à Noël et en finir ainsi avec la série des Noël pourris. Il y a cru, il a été très déçu.
La déception est d’ailleurs une constante dans la vie familiale chaotique de Dom. La déception entre autres choses. De là à en déduire que la suite des événements en découle, il n’y a qu’un pas. Quelques pas pour être précis.
Un foyer pour ados sorti d’un méchant conte de fée. Une vie de jeune père guère épanouissante. Une vie maritale en berne. Une séance de ciné qui vire au pugilat. Une baignade mouvementée. Des retrouvailles du troisième type dans les bois. Et deux sœurs aussi féroces qu’attachantes.
Accrochez-vous.
En ces temps bénis de Rentrée littéraire, cette période où l’on
se dit que la pénurie mondiale de papier n’est pas forcément une catastrophe, où
bon nombre de livres, défiant la gravité sur des tables nécessairement trop
étroites oscillent entre mon papa et moi et moi et papounet, un ouvrage possède
une arme redoutable : le rire.
Arme négligée (méprisée ?) par nos plumitifs qui y vont
de leurs listes de prescription qui fleurissent plus vite qu’une acné galopante
sur une peau trop grasse, liste dont il m’est une règle d’ignorer soigneusement
les recommandations. Certes, on en parle de Mobylette de Frédéric Ploussard
mais pas assez !
Mobylette provoque le rire. Attention, pas celui, posé et
ironique, qui soulève subrepticement le coin des lèvres, si discret que quelques
médisants parieraient sur son inexistence. Non, ici je parle de gloussements
nerveux, éclats de rire intempestifs.
Dans une France critique, où, pour filer la métaphore
cinématographique, un Lars Von Trier aussi pesant qu’un porte-container charriant
des 38 tonnes remplis de plomb fondu mettra toujours une tôle à un Blues
Brothers aérien et punchy ; c’est gonflé
Le rire que pratique Ploussard n’est pas gentillet. Soulevé
par une plume acide, belle et vive, ce roman narre les péripéties d’un éducateur,
2 mètres au garrot et plus de 100 kilos de barbaque tourmentée qui s’assoie sur
les jeunes dont il s’occupe pour étayer une méthode éducative basée sur l’écoute,
l’immobilisation et l’anticipation d’emmerdes XXL.
Bergson l’a écrit : le rire est une affaire sérieuse.
Mobylette parle de misère sociale, de déclassement et de la famille également,
comme quoi il est raccord. Mais il le fait en nous faisant marrer. Le rire n’efface
pas l’émotion ni la réflexion, ils les subliment. Car c’est poignant finalement
Mobylette, distillant un espoir tenu et tenace. C’est foutument excellent !
Et puis, surtout, on le finit ce livre. Et ça... En ces temps de Rentrée littéraire, etc.
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