Traduction : Olivier Lannuzel
Croatie, 1989.
Dans un bourg de la côte dalmate, Silva, 17 ans, disparaît durant la fête des pêcheurs.
L'enquête menée par Gorki Sain fait émerger un portrait complexe de cette jeune fille qui prenait et revendait de la drogue.
Quand le régime de Tito s'effondre, l'inspecteur est poussé à la démission et l'affaire classée. Seule la famille de Silva poursuit obstinément les recherches.
***
François Guerif considère le polar comme le genre littéraire
qui permet de cerner au plus près la vérité d’une époque, d’une société. Étant d’une
partialité assumée, je ne peux qu’approuver cette vision. Le polar est un
révélateur et la révélation se dévoile rarement dans la douceur.
La disparition d’une fille, d’une sœur et l’univers se
fracasse. Comme un caillou balancé dans l’eau, les ondes concentriques nous
rattrapent, aussi loin que l’on s’éloigne de l’impact originel. Une évaporation
est au cœur du phénoménal roman L’eau rouge. Une quête insensée commence, une
tragédie qui durera près de trente ans. Les cercles concentriques happeront inexorablement
les protagonistes de l’absence de Silva qui débute dans ce petit village de
Dalmatie dans les années 80, juste avant que les Balkans n’implosent.
À la disparition familiale s’ajoute celle d’un pays. L’eau
rouge est un roman croate et se déroule sur une toile de fond qui est plus qu’un
simple cadre. Le contexte géopolitique va éteindre une enquête, laissant place
à une guerre fratricide et génocidaire qui va mettre l’Europe à genoux et faire
imploser la Yougoslavie. La famille restera seule à chercher Silva, dans une
Europe qui se réinvente, de nouveaux pays se font une place sur la mappemonde,
bourgeonnant sur des charniers.
Jurica Pavicic déploie une fresque impressionnante dans ce
roman ambitieux qui a les moyens de ses aspirations, un livre étourdissant qui mêle
la grande à la petite histoire sans que l’on puisse les distinguer clairement. Dans
un style précis, dense et tragique, L’eau rouge est de ces polar qui éclaire le
monde alors qu’ils sont porteurs d’une obscurité poisseuse.
L’auteur assiste amer, du moins je le crois, à la « balnéairisation »
à outrance des côtes croates, nouvel eldorado du tourisme de masse, version eaux
turquoise et plages bondées. Cette liquidation de la côte dalmate accompagne
une révélation lente et terrible dans un dénouement douloureux et rédempteur. Quel
bouquin...
J’ai lu de bons livres, d’excellents même, en cette année, l’un des tous meilleurs est croate. Lire L’eau rouge et constater que les éditions Agullo ont encore frappé.
Au cœur.
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