Caryl Ferey est un écrivain voyageur. Il n’y a pas que Sylvain
Tesson sur ce créneau. Ferey, c’est un peu Tesson sans la pose, le rock et la
rage en plus. Quand Tesson va en Sibérie, il magnifie la beauté âpre de cette
immensité glacée d’une cabane perdue quand Ferey conte la détresse absolue d’une
cité stalinienne, d’une telle laideur qu’elle en devient belle.
Caryl avait déjà posé ses après-skis à Norilsk, en 2017, en avait
tiré un court et dense récit, ramassé comme un shot de vodka. Le portrait
dantesque était déjà brossé, il est parachevé dans ce polar labyrinthique,
haletant et poignant.
Ce polar est son décor. Le personnage principal est la ville
qui l’abrite. On a tendance à associer l’enfer à des températures caniculaires
mais l’enfer c’est une atmosphère particulière propre à abolir l’espoir. Norilsk
possède ce climat singulier où les Celsius qui sombrent marquent la présence d’un
enfer sur terre.
C’est dans cette ville minière, l’une des plus polluée de la
planète, où le nickel extrait représente 2% du PIB russe, que l’on découvre le
cadavre assassiné d’un éleveur de Rennes, loin de son troupeau. Ce meurtre
enclenche une série d’évènements qui vont bouleverser à jamais les
protagonistes de Lëd.
Ferey est enfant du rock et cela se sent dans sa plume
directe, nerveuse mais qui sait se faire lyrique quand il le faut. Un peu à l’image
du Bowie magnifique d’avant le virage flashy des années 80, ce Bowie qui
revient souvent dans les pensées de Ada, jeune femme déployée dans ce polar
choral.
Caryl Ferey aime ses personnages, que l’on devine inspirés
de rencontres et d’autres nés de son imagination débridée. Caryl orchestre son
petit monde d’une main sûre et nous cueille souvent. Son livre est infiniment
touchant, l’émotion se fondant dans un tempo qui claque, comme un rif de
guitare mélancolique se cale sur un déroulé de batterie dans un Led Zep d’anthologie.
Vous l’aurez compris, j’ai aimé Lëd. Kaléidoscope percutant d’une Russie malade et corrompue, magnifique de grandeur sacrificielle, cette âme russe que Ferey touche du bout des touches, à la manière d’un Robert Littell punk et dans mon clavier... c’est un putain de compliment.
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