Il existe des maisons d’éditions avec lesquelles on se sent
une grosse accointance. On évite d’en parler, on ménage cette indépendance d’esprit
que l’on s’efforce de cultiver pour qu’elle ne soit pas une vue du même nom, de
l’esprit. Mais je dois bien le reconnaître, j’aime énormément Agullo, leur charte
graphique, leur façon d’aller là où d’autres ne vont pas... Alors quand j’ai
appris que Agullo allait lancer une nouvelle collection, Agullo Court...
Un recueil de nouvelles qui se situent dans les landes pourra-t-il
m’emporter ?
Évacuons d’emblée l’apostille infamante de littérature de
terroir. J’aime l’école de Brive, j’apprécie René Fallet et Claude Michelet.
Et quand bien même... C’est étrange. La relation forcément
palpitante d’atermoiements divers situés dans un espace étroit entre le Flore
et le seizième n’est pas considéré comme de la littérature dite locale. Et tant
qu’on y est, Ron Rash n’est pas réduit aux Appalaches, Craig Johnson n’est pas
circonscrit au Wyoming, non ?
Oui, je pense sincèrement que Lespoux est de cette trempe.
Comme eux, il allie dans une écriture fiévreuse, piégeuse, faussement simple,
le local et l’universel. Ses Presqu’îles sont à la fois terriblement landaises
et totalement universelles. Ce besoin de racines, d’appartenir, ce va et vient
entre l’acceptation et le rejet, ces traditions qui se perdent mais pas
complètement, pour le pire et le pire.... Ce sont des thématiques diablement
humaines, belles, sordides, tragiques et ridicules qui traversent ce formidable
bouquin.
Il est difficile de ne pas être remué par l’évocation des
amours adolescentes, de ne pas être emporté, par la nouvelle Une vie, de ne pas
sourire (jaune) devant ces pans d’existence dérisoires et grandioses. Lespoux a
une plume qui tient du scalpel quand il décrit cette façon d’être du cru, ces
gens qui sont nés quelque part comme le chantait Brassens. Yan Lespoux est
impitoyable... Et tendre. Il manie les contraires cet homme, il est redoutable.
C’est encore Hervé Le Corre qui en parle le mieux, lui qui
conclut son éclairante préface de Presqu’îles par ces mots : « tiens,
un écrivain ! »
Pas mieux.
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