mardi 6 avril 2021


Il dort sans rêve. Il ne rêve presque jamais. Le sommeil est pour lui un tombeau dont il se relève chaque matin. 

Louise élève seule son fils Sam, son "petit magicien", seul capable d'enchanter un peu une vie qu'elle a reconstruite à grand-peine après un deuil terrible et des années de dérive. Harcelée et brutalisée par son ancien compagnon, elle va croiser la route du commandant Jourdan. 

Cet homme tour à tour sombre, révolté et désemparé, enquête avec son groupe sur des meurtres de femmes : un tueur sévit dans les rues de Bordeaux, un être banal et terrifiant, mû par une rage destructrice.

Trois trajectoires irrémédiablement liées. Ainsi chacun traverse sa nuit...

J’aime le roman noir. Pour moi, le polar s’exprime totalement quand il est sombre, d’une teinte goudron. Ce n’est pas si facile. Il s’agit d’explorer pleinement un nuancier qui est bien plus étendu et subtil qu’on pourrait le croire.  Enfin, il convient d’exprimer souverainement le potentiel du noir, d’en révéler les différends grains. Sinon, comment dire... On se retrouve avec Olivier Marchal tirant la tronche, comme si on lui chiait sur les pompes en continu, voyez ? 

Hervé Le Corre est un maître du Noir, il sait en tirer le jus jusqu’à la dernière chique sans jamais sombrer dans la caricature d’un misérabilisme Zolien sans Zola. C’est que le danger est là, il rôde, comme un chien qui se prendrait pour un loup (référence subtile... Après tout, il y a enclume dans mon pseudo). Jamais Le Corre ne verse dans cette recherche du malheur poisseux, tel ces auteurs omniscients qui sadisent à outrance leurs personnages.

Et pourtant, c’est poignant Traverser la nuit. D’une noirceur à faire passer un Ristretto romain pour une aimable tisane. Oui. Mais la plume... L’écriture de Le Corre est une des plus belles de la place. Que l’on me redise « ok le polar mais je préfère la littérature c’est mieux écrit » et je ne réponds plus de rien. Traverser la nuit, transfiguré par un style limpide, manie la netteté sèche aux envolée poétiques. Sans chercher l’effet, le claquement linguistique, Le Corre les obtient et nous abasourdit parfois, souvent. 

Ce style n’est pas auto-suffisant. La suffisance, ce n’est pas son truc à Le Corre. Le style est un instrument. Il est là pour servir l’intrigue, l’intrigue pour irriguer les protagonistes. Les héros de Le Corre sont à la marge, des figures imposées qu’il libère. La femme battue, le flic torturé qui en a tant vu que ses paupières débordent, ressemblent dangereusement à des rengaines archétypales du roman Noir. Le talent de Hervé Le Corre est de les sublimer dans une intrigue simple dans laquelle il instille une tension sourde, permanente et un espoir fragile, vacillant et trompeur. 

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