La saison des prix littéraires s’achève.
Le Goncourt et son fameux bandeau rouge est sorti à temps et peut tenir son office de produit d’appel, ouf. Je suis libraire, cracher dans la soupe n’est pas le meilleur moyen de montrer un visage avantageux.
Mais j’ai du mal avec les prix d’hiver. Qu’un groupuscule de vieux barbons (les barbonnes sont les exceptions), nommés à vie, désigne le meilleur livre de l’année est d’une insondable connerie. Qu’on y songe quelques instants... Et les sempiternels soupçons de copinages, de prêtés pour un vomi, rendu pardon (ok, merci Coluche), jettent une ombre sur l’indépendance de ces jurys qui ne rendent compte qu’à eux-mêmes (lire l’article éclairant du NY Times).
Entendons-nous bien, il y a d’excellents primés. J’ai adoré
le Femina de cette année (Nature humaine de Serge Goncourt) et certains Goncourt
valent plus qu’un détour. Mais je suis humain et l’humain se nourrit de
préjugés. Les miens, littéraires, portent sur les prix et les titres à rallonge,
entre autres : « Quand les hippopotames arrêteront de rêver et
boufferont du tarama » et je prends une tangente cosmique.
Tant qu’à faire, je préfère le Goncourt des lycéens, plus
jeunes, plus nombreux, moins suspects de compromissions (j’espère). Celui de
cette année, Les Impatientes, est un livre terrifiant sur la polygamie et le
viol conjugal.
Certes, des critiques surgissent sur un style qui ne serait
pas au niveau mais je me suis toujours méfié de la plume pour la plume, la
forme doit servir le fond à mon sens. Djaïli Amadou Amal a une écriture sobre
et dense, elle tient une ligne de crête et musèle notre sidération, notre
colère. Ce sujet méritait-il un verbe plus flamboyant, plus sûr de ses effets,
je n’en suis pas sûr, ce ne fut pas le choix de l’autrice.
Les impatientes est un livre douloureux, sincère, présentant
la situation de ces femmes qui n’ont pas plus de libre arbitre qu’un canapé,
que l’on chosifie pour en sublimer la valeur commerciale, que l’on monte les
unes contre les autres pour garder la confiance du mâle dominant. Un récit
ramassé traversé d’une tension sourde...
Les impatientes ou la démonstration que La servante écarlate n’a rien d’une fiction.
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