dimanche 14 mars 2021


Le polar nordique a su, je crois trouver les mots pour exprimer la dépression européenne.

Nos amis italiens et espagnols (ils ne sont pas les seuls) ne font guère de distinction entre " roman noir " et " roman policier ". Mais comme en France, nous la faisons, en toute logique ce dictionnaire devrait ne comprendre que des entrées concernant le roman policier. Si vous en êtes d'accord, ce sera ma première licence : je parle d'un univers littéraire qui est le mien, on y trouvera aussi bien du " polar " que du " noir ".

S'agissant d'un univers " littéraire ", il ne devrait y avoir ici que des livres. Ce sera ma seconde licence : incidemment, on y trouvera quelques films, quelques séries TV, quelques BD, des librairies, des blogs.

Enfin, autant prévenir tout de suite : pour les définitions maîtrisées, les monographies exhaustives, les analyses thématiques, etc., le lecteur trouvera facilement d'excellents ouvrages (j'en cite quelques-uns, en fin de volume) qui correspondront à cette attente. C'est à un écrivain que l'éditeur a confié ce Dictionnaire amoureux. Je parlerai donc ici en lecteur et en romancier. Il y aura des oublis impardonnables, des injustices, des jugements contestables. C'est inévitable mais je ne fais que respecter le projet de cette collection : c'est le dictionnaire de ce que j'aime.

Pierre Lemaitre prévient en son préambule : le titre est trompeur. À vrai dire, il est tronqué. À Dictionnaire amoureux du polar, il aurait été judicieux de le précéder d’un Mon. Car Pierre Lemaitre propose ici SON dictionnaire amoureux du polar. Il endosse avec classe ses oublis (Goodis par exemple) et ses parti pris, cela étant, ses fautes de goût sont largement compensées par son amour et sa connaissance fine du mauvais genre.

Et puis, il faut bien que j’avoue une concordance de vue. Comme Pierre (je le lis depuis si longtemps, si exhaustivement que je m’autorise cette familiarité frisant la privauté), sans nier mon intérêt pour le polar anglais bien peigné, au napperon bien rangé de Christie et consorts (rangez vos fourches : j’aime Agatha), je préfère le polar quand il tend au noir goudron.

Ce dico in love ne transige pas sur le principe de lecture : picorer et rebondir d’une lettre à l’autre sans guère plus de logique qu’une gerbille sous amphète. En outre, Pierre est un auteur accompli, il assume tranquillement son statut et de sa plume alerte, accessible, tout sauf émolliente, Lemaitre tamise en continu les rubriques comme autant de pépites.

Le jeu est enfin de vérifier si ses chouchous sont bien sur la short-list. Ellroy, évidemment, les patriarches Hammet, Chandler, Thompson, etc. La relève chenue et ses Lehane, Burke... Les petits derniers, Whitmer par exemple (ah Whitmer !) Pierre n’occulte pas plus la production hexagonale en célébrant Le Corre, DOA. Être Guerif, et Manchette, et les maisons d’éditions, le cinéma, les séries, les procédés littéraires, Hitch’... Robin Cook, David Peace, Leonard, Westlake, au firmament....

Le panorama est dense, bien fléché.  

Et toujours une réflexion acérée, une analyse pertinente, une info inconnue, toujours sur un ton vif, parfois narquois, parfois griffu.

Du bel ouvrage. Génial, allez, osons-le.

Tout de même. Trois fois rien. Bon...

J’ai un peu de mal avec l’oubli incompréhensible de James Crumley. Je me faisais fort de recruter un homme de main dans le creux de la vague, virtuose du déplacement de rotule par cric interposé, mais je n’en connais pas Pierre, pas d’inquiétude. Pour l’instant.

0 commentaires :

Enregistrer un commentaire