jeudi 17 décembre 2020

 

Huitième lecture du Prix Meilleur Polar Points 2021

Virgile ne se faisait aucune idée particulière sur le métier d'artiste. Du moins considérait-il cela comme un métier, ce qui n'était pas le cas de tout le monde dans les bistrots. S'il respectait les artistes, il ne connaissait rien à l'art. Dans sa famille, l'éducation des femmes se limitait à l'apprentissage des bonnes manières, pour les hommes à celui des bonnes affaires. L'art n'y était qu'un élément couteux de l'étiquette, qui se résumait essentiellement aux commandes, génération après génération, des portraits de la famille.

2001. Les nuits parisiennes voient naître un nouveau monstre. Un serial killer s'en prend aux artistes, transformant chacune de ses scènes de crime en œuvre mêlant esthétisme et barbarie. L'inspecteur Heckmann, flic vedette du moment, se retrouve en charge de cette très médiatique affaire et se lance dans la traque. Mais bientôt il lui semble que tous ces crimes ne sont qu'un moyen pour le tueur de jouer avec lui...

Dire d’un polar qu’il est « sympathique » ressemble fortement à ce que pouvait dire une de nos amours adolescentes, de celles qui enfiévraient nos paupières et commotionnaient nos hormones : « je t’aime bien, tu es gentil... »

Sidérants temps où sympathique et gentil sont relégués derrière cynique et amer sur l’échelle des qualificatifs hype. L’artiste de Antonin Varenne est un polar sympathique. De ces romans policiers joliment troussés où les personnages, leur caractère et leurs interactions comptent finalement plus que la résolution d’une investigation qui passe ainsi, presque, au second plan.

Pourtant les meurtres ritualisés d’artistes présentés dans le livre de Varenne sont intrigants et implacablement mis en scène. C’est que Antonin possède une plume indéniable, vive et travaillée, sans trop l’être.

Mais, rien à faire, je retiens de cet Artiste plus les tourments de l’inspecteur Heckmann, flic chaotique, naïf et se trainant un sentiment de culpabilité plus gros qu’un égo présidentiel que la traque d’un sérial killer obscur et paradoxalement anecdotique. Les personnages secondaires gravitant autour de Heckmann sont bien campés, et leur amitié naissante est un beau moment, sincère. L’épisode de la Tour Eiffel est admirable, plein d’un potentiel cinématographique de noir et blanc touchant, filant droit au cœur.

Varenne n’économise pas ces instants de grâce, ses bulles d’humour, soigneusement éloignée du gnangnantisme doucereux, principal écueil qui affleure dans les remous de cet acabit. Varenne tient bon la barre et souligne que sympathique n'est point sirupeux.

Néanmoins et subséquemment, le balancier est ravageur, il penche bien trop du côté de l’étude de mœurs. Le déséquilibre entre l’atmosphère, la finesse des protagonistes, l’empathie que l’on éprouve d’emblée pour eux et une enquête sinueuse et poussive est flagrant.

La résolution s’accélère et le tueur tel un Deus ex machina apparait pile dans les temps. Cependant, Antonin Varenne nous surprend dans ces dernières pages, il nous cueille même. Et on pose ce livre, terminé, en se disant qu’il serait temps de réhabiliter le mot sympathique.

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