dimanche 6 décembre 2020

 

Le sentiment de culpabilité ne grandit pas. C’est un mensonge, chéri par les romantiques et les romanciers avides de sensationnalisme. Il ne grandit pas, il disparaît. S’il existe, c’est dès le début. C’est un mélange de culpabilité et d’horreur. Il est possible, rarement mais parfois, que cette combinaison conduise le criminel à se rendre. Mais avec le temps, ça lui passe. Il apprend à vivre avec, il oublie. Il se félicite même d’avoir échappé aux conséquences de son acte.

" Vous êtes ici pour confesser le meurtre de votre femme.
– Exact.
– Il va falloir me convaincre. "
Années 1980. Pharmacien respecté d'une petite ville anglaise, Herbert Grantley se présente un beau jour au commissariat pour confesser le meurtre de sa femme, morte un an plus tôt de causes réputées naturelles. Il déclare à l'inspecteur-chef Lyle l'avoir empoisonnée. Une version de l'histoire qui semble parfaite. Sauf que l'inspecteur-chef Lyle n'y croit pas. Mais si Grantley n'est pas coupable, pourquoi vient-il avouer ainsi ? C'est le début d'un long face-à-face entre les deux hommes.

Simenon a une grande aura sous nos latitudes. L’homme a une bibliographie aussi imposante que le nombre de ses conquêtes (d’après ses dires... C’est étrange, j’ai toujours du mal à croire ceux qui le claironnent) et inventa le commissaire bourru, taiseux, la pipe aux lèvres, aussi nerveux qu’un sénateur en séance digestive à la Chambre.

Je ne suis pas un grand fan de Simenon, je ne déteste pas, loin de là, mais l’angle psychologie au scalpel et mise à nue de la bourgeoisie crapoteuse me semble parfois survendu. Et parfois non.

John Wainwright est un romancier Simenonien, Chabrolien. Il est inimaginable de ne pas songer à ces deux références en lisant Les aveux. Wainwright est surtout connu pour son roman Brainwash publié en français sous le titre À table ! Claude Miller l’adapta au cinéma, il devint le film Garde à Vue, remarquable, un choc de deux acteurs se faisant face, se tournant autour comme deux requins cannibales.

Les aveux, c’est Garde à vue à l’envers. C’est le meurtrier qui cherche à convaincre le flic de sa culpabilité. Ce pharmacien sans histoire, un peu terne, veut éperdument persuader l’inspecteur Lyle qu’il a empoisonné son épouse un an auparavant. Pourquoi cet homme qui n’a jamais été soupçonné vient-il se livrer ? Est-il vraiment coupable ? Pourquoi s‘accuser d’un crime que l’on n’a pas commis ?

Ce polar roublard va répondre à ces trois questions. Le livre alterne la confession du potentiel assassin dans un « je » omniscient et l’interrogatoire dans un « il » plus distancié. Wainwright joue là une partition bien connue, une alternance des points de vue, où le lecteur se méfie du « je ».

Les aveux est un duel matois entre un vieil inspecteur à qui on ne la fait pas et un « notable » comme on dit. Ces petits hobereaux provinciaux et crapoteux si bien décrits dans les films de Chabrol. Ceux qui, rêvant d’une vie plus grande que la leur, accusent celles et ceux qui les entourent de l’étroitesse avérée de celle qu’ils vivent réellement.

Un polar rusé, qui se lit plus vite que Maigret bourrant sa pipe.

(Traduction : Laurence Romance)

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