Certains livres ne s’imposent pas d’eux-mêmes. Ils acquièrent une cohérence dans ceux qui les précèdent. Ainsi ce Lumière d’été se niche dans un interstice, celui qui succède aux Dynamiteurs de Whitmer. Je voulais changer, démarquer, et cette chronique villageoise d’un hameau de fin du monde me semblait marquer un territoire bien distinct de la violence sourde et dense du Whitmer.
Fin du monde au sens géographique. Rien d’apocalyptique dans
ce roman doux-amer (encore que...) mais une finitude. Après ce village
islandais il y a la mer et puis rien. Cela concoure à une ambiance singulière.
Les habitant.e.s pratiquent une folie légère, de celle qui nous accompagnent
parfois mais qui prend ici une teinte différente. Un pays où la nuit s’installe
longuement après un jour qui dure, ce pays a un rapport au rationnel qui
fluctue quelque peu.
C’est ici que se loge la réussite de ce livre. Dans ce
surnaturel qui frôle, caresse, du Stephen King en retenue.
Chaque partie s’attarde sur un homme ou une femme qui peuple
les rues du bourg, un lieu loin et proche du Monde qui pulse, heurte, se débat,
cette modernité qui semble abolir les frontières pour en ériger d’autres plus
sournoises. Un personnage nous est présenté et ce qui pouvait sembler un recueil
de nouvelles prend la forme d’un récit choral émouvant, sensible, bouleversant
parfois. Pas de winners ici, ni de looser non plus, juste celles et ceux qui
font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont.
La plume de Kalman Stefansson accompagne les virages et
détours de cette balade islandaise. Sinueuse, empathique et plantée fermement
dans les pensées des protagonistes, elle est d’une grande beauté, poétique et
dense, elle nous enferre dans ce clair-obscur qui alterne et rythme la vie là-bas.
Les louanges se doivent de pleuvoir sur la traduction remarquable d’Éric Boury.
Ce livre finalement est à l’image de l’Islande, qui se dévoile dans une beauté décalée, loin des lagons, des attentes convenues. La poésie se marie plus aisément aux tourments qu’aux alizées...
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