Chris Kyle est un héros. Ancien sniper chez les Navy Seals durant la deuxième guerre d'Irak, il a tué plus de 160 "cibles".
Au faîte de sa gloire (Clint Eastwood a même acheté les droits de son autobiographie, best-seller aux États-Unis, pour en faire un film – ce sera "American Sniper"), Chris Kyle dédie sa vie à aider ses anciens camarades de combats marqués aussi bien physiquement que mentalement par la guerre.
Eddie Ray Routh est l'un d'entre eux. Le 2 février 2013, l'inconnu Eddie Ray Routh abat la Légende Chris Kyle. Ce livre raconte le crime – et ses conséquences.
J’aime bien accompagner mes lectures avec un CD. Ces combos sont presque plus intéressants que la chronique elle-même. Je voulais me coller Born in USA de Bruce Springsteen dans les oreilles en lisant L’homme qui tua Chris Kyle. Impossible de remettre la main dessus. Moi qui comptais débuter ce post par l’incompréhension autour de cette chanson, un brûlot devenu un cantique reaganien, une ode au patriotisme burné et une blessure ouverte dans la carrière du Boss...
En revanche, nulle ambiguïté dans le propos de Chris Kyle,
il est patriote jusqu’aux poils de cul. Drapé dans le drapeau, il revendique
fièrement son amour de la nation, amour qui passe nécessairement par une
méfiance des autres, de l’Autre.
Chris Kyle est connu
mondialement par l’adaptation cinématographique sans nuance de Clint Eastwood.
De nuances, l’album de Nury et Brüno n’en manquent pas. Loin
de l’invective, ils adoptent une distance, quasi clinique, une volonté de
comprendre qui se mesurent tant à la forme qu’au fond. Brüno crayonne en son
style bien à lui, cases claires, traits fins et ligne aérée, frôlant
l’infographie, un bel ouvrage.
Nury lui explicite le destin de Chris Kyle. Sans le
diaboliser, le réduire à un Redneck soulevant de la fonte. Chris Kyle est un
personnage plus complexe que son parcours, son rapport complexe à la réalité,
tordant les faits ou les inventant carrément, pouvaient le laisser croire.
L’autre grand atout de cette BD est de nous montrer Eddie Ray
Routh, l’homme qui flingua la légende. Un homme sévèrement atteint mentalement,
un homme qui souffre de syndrome post-traumatique alors même qu’il n’a jamais
participé au combat. Un homme que l’on imagine aisément être traité de fiotte
par Kyle et ses potes.
Nury et Brüno n’excusent rien, un meurtre est un meurtre, illégal
tant qu’il n’est pas couvert par des faits de guerre, n’est-il pas ?
Eddie Ray Routh est un individu se débattant dans un monde
qui n’admet pas la fragilité. L’épilogue, seul moment où l’on sent poindre une
réflexion personnelle, est l’un des beaux moments de cette BD qui n’en manquent
pas. Il pointe que traiter la faiblesse
par le mépris est rarement une bonne idée.
Magistral.
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