mercredi 30 septembre 2020

 


Sixième lecture du Prix Meilleur Polar Points 2021

[...] et valsent des coups de pompe dans ses recoins privés.

Prenez trois types bêtes et méchants. Très méchants.

Présentez-leur une belle fille qui n'a pas inventé la minijupe. Très belle. 

Faites zoner mollement deux jeunots amoureux d'elle. Très amoureux. 

Arrangez-vous pour que les flics fixent les rendez-vous avec le tact qu'on leur connaît.

À l'heure dite, il y aura trop de monde, fatalement. Et ça va mal se passer. Très mal.

Hervé Le Corre est un écrivain remarquable, un des auteurs qui subliment le polar, l’un de ceux qui font dire que, quand Sylvain Tesson a affirmé à la Grande Librairie qu’il ne lisait pas de polars car cela ne l’intéressait pas de savoir qui a tué et pourquoi, il a perdu une occasion de la fermer. En effet, s’il ne s’agit pas de savoir où est allé Tesson et pourquoi, il n’est pas plus question de pourquoi et comment dans les bouquins de Le Corre.

Les effarés est l’un de ses premiers romans, situé dans ce Bordeaux cradingue, noir de pollution, en des temps pré-Unesco au ripolinage couteux. À l’époque de la Cité Lumineuse, cette espèce de kouglof architectural qui ressemblait à un Rubik’s cube déplié dans le sens de la longueur, tenant plus du clapier que du logement avant-gardiste.

Les effarés est un polar géolocalisable et universel, un oxymore un brin boursouflé où transpire l’attention que Le Corre porte aux perdants du système, à ceux qui font ce qu’ils peuvent et qui ne peuvent pas grand-chose. L’intrigue parait minimaliste à première vue, elle semble en décalage avec le style étourdissant, presque trop, de Le Corre. Le bouquin pâtît légèrement de ce décalage.

Ce qui compte c’est le chemin parcouru et la plume qui nous guide sur ce chemin. Hervé le Corre ne donne pas dans le roman policier à énigme, il remplit son encrier de goudron pour écrire noir, sombre comme une nuit sans lune.  Pour cela, Le Corre ne recule devant rien. Il ose, les comparaisons douteuses, les envolées lyriques, les trouvailles stylistiques étourdissantes. Il en ressort une lecture quelque peu épuisante, on saute d’une description fouillée à un festival de parler argotique sulfaté, mitraillé. Et Le Corre ne coupe pas, ne retranche aucunement, il garde tout et ce pari, cet engagement, je le comprends !

Le texte de Le Corre aurait peut-être gagné à être élagué, gratté plus à l’os, je ne sais pas. Il assume crânement sa vista, son emphase et les dernières pages, en tension, sont remarquables et sont la promesse (tenue) d’une œuvre magnifique en devenir.

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