mercredi 9 septembre 2020


C'était l'hiver et il faisait nuit. arrivant directement de l'Arctique, un vent glacé s'engouffrait dans la mer d'Irlande, balayait Liverpool, filait à travers la plaine du Cheshire (...) et, par-delà la glace baissée, venait frapper les yeux de l'homme assis dans le petit fourgon Bedford. L'homme ne cillait pas.

Martin Terrier était pauvre, esseulé, bête et méchant, mais pour changer tout ça, il avait un plan de vie beau comme une ligne droite. 

Après avoir pratiqué dix ans le métier d'assassin, fait sa pelote et appris les bonnes manières, il allait rentrer au pays retrouver sa promise et faire des ronds dans l'eau... 

Mais pour se baigner deux fois dans le même fleuve, il faut que beaucoup de sang passe sous les ponts.

Je claviote « nos » et non « les ».

Quand on mentionne classique en littératures, on sent poindre Balzac, Flaubert, Dostoïevski, Zola... Tout l’orchestre en somme.

Je n’ai pas une culture classique.

J’en ai lu et apprécié : Hugo, Dumas, Twain (surtout) mais j’avoue que certains me tombent des pognes. Proust m’emmerde. voilà. J’ai du mal à considérer l’absence de verbes, la multiplication des trois petits points ... et l’infinitude des !!!! céliniennes comme du génie. Ce qui m’évite le douloureux sujet du génie qui passerait avant l’homme, puisque de génie, je n’en vois point. 

Hissez vos fourches pendant que je sors par la porte de derrière et fuis à travers champs. 
J’ai une culture de série B. De genre. Mes classiques ne possèdent pas l’imprimatur. Ce sont juste les miens, égocentrés et partagés.

Cette Position du tireur couché par exemple. Ce dévoiement systémique du tueur à gage omniscient, d’un Jason Bourne embourbé, est prodigieux. Un assassin, qui pense avoir tout prévu, tout compris, sombre peu à peu dans le ridicule. Terrier, qui ne peut honorer son amour de jeunesse, l’érection en berne, a ses moments de gloire mais ils ne durent pas, eux non plus.

Martin terrier, le héros de Manchette, est un anti Nicolas Hel, le protagoniste omnipotent du Shibumi de Trevanian. Un James Bond qui échoue et bande mou, atteint d’aphasie.

Une adaptation avec Delon (et son charisme de bulot taiseux) fut projetée sous le titre Le choc. Pas vue. Je doute qu’elle fut à la hauteur de l’incendie qu’est le livre de Manchette

Son écriture clinique d’observateur intraitable, son béhaviorisme littéraire, altèrent le roman policier traditionnel pour en exploser les contours. Sa description des personnages (qui fait encore ça de nos jours ?) ancre La position dans un réalisme cru et l’impersonnalité du récit accouche un tempo décalé, vicié...

 Manchette tire le polar de l’ornière, le fait accéder à autre chose.

Jusqu’à la fin. Les dernières pages, tragiques et loufoques, insufflent un goût de l’amer qui reste longtemps en bouche.

Un (de nos) classique.

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