jeudi 2 juillet 2020


Deuxième lecture Prix du meilleur polar Points 2021


Hulda a tout donné à sa carrière. Mais en faisant toujours cavalier seul. Elle a beau être une des meilleures enquêtrices du poste de police de Reykjavik, à soixante-quatre ans, sa direction la pousse vers la sortie.

La perspective de la retraite l'affole. Tout ce temps et cette solitude qui s'offrent à elle, c'est la porte ouverte aux vieux démons et aux secrets tragiques qu'elle refoule depuis toujours. Et ses échappées dans la magnificence des paysages islandais, pour respirer à plein poumons la sauvagerie de son île, ne suffiront plus, cette fois.

Alors, comme une dernière faveur, elle demande à son patron de rouvrir une affaire non résolue. Elle n'a que quinze jours devant elle. Mais l'enquête sur la mort d'Elena, une jeune russe demandeuse d'asile, bâclée par un de ses collègues, va s'avérer bien plus complexe et risquée que prévu. Hulda a-t-elle vraiment pesé tous les risques ?


Que voilà un étrange roman policier... Une illustration éclatante de la dichotomie entre la forme et le fond. Aimerait-on siroter du Monbazillac en cubie, boire une Guinness dans une tasse à café ?

La dame de Reykjavik a de singuliers atouts. Une héroïne peu commune, sexagénaire poussée à la retraite, coriace et fébrile, policière expérimentée, peu épargnée par la vie qui redécouvre quelques émois tardifs et qui craint sa prochaine inactivité qui la laissera face à ses démons. Un beau personnage attachant que cette Hulda. Elles sont peu nombreuses les femmes qui ont passé la soixantaine dans les polars (et ailleurs).

L’ultime enquête qu’arrache Hulda à sa hiérarchie avant sa mise au rebut n’est pas un modèle de nervosité, de fièvre. Les flashbacks sont envahissants. On suit malgré tout sans déplaisir l’investigation de notre Islandaise jusqu’à la fin. Et là...

Je n’en dirai rien. Je ne qualifierai même pas ce dénouement, aucun qualificatif pour ne pas laisser échapper ne serait-ce qu’une ombre d’une ombre d’un début de dévoilement involontaire. J’avouerai juste qu’il m’a surpris. Il m’a cueilli. Je ne m’y attendais pas.

Il a donc tout pour plaire ce Jonasson. Mais... Tyrion le sentenciait déjà dans Game of Thrones : « tout ce qui vient avant le mot mais ne compte pas vraiment ». Ce n’est pas tout à fait vrai.

Quand même ! Quel dommage que le style soit si pauvre, insipide. On dirait du tofu à l’encre. Un phrasé aussi terne et vif qu’une dépêche AFP. La plume peine à transcrire l’émotion, la noirceur du propos, l’invraisemblable beauté lunaire de l’Islande. La dame de Reykjavik répond en creux à la fameuse question : qu’est-ce qu’un écrivain ? L’imagination ou le style ? La réponse évidente et agaçante, les deux, prend ici toute sa pertinence.

Ce livre efficace, bien construit, a de bonnes intuitions mais manque de personnalité. Là où Mankell nous empoignait, nous nouait la gorge avec son Wallander usé, Ragnar Jonasson ne fait qu'esquisser la tragédie qu’aurait pu être la dernière affaire de Hulda Hermannsdottir.

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