vendredi 3 juillet 2020


Troisième lecture du Prix meilleur polar Points 2021

Dans la chaleur humide et gluante du mois d’août à Parme, Francesco Galluzzo, un marchand du centre, a été battu à mort. 

Le commissaire Soneri, chargé de l’enquête, écarte rapidement le motif du vol pour se concentrer sur un usurier, Gerlanda, qui tire toutes sortes de ficelles dans l’ombre depuis des années.

La vérité a mille visages, et Soneri, malgré sa répugnance pour les méthodes de l’usurier, comprend bien vite que Gerlanda et consorts ne sont que les vestiges d’un monde qui disparaît. 

Une nouvelle pieuvre déguisée en sociétés irréprochables a décidé de dévorer sa chère ville de Parme, et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Pas même l’acharnement désespéré du commissaire...

La Parme du commissaire Soneri, héros récurrent de Valério Varési, est en ébullition. Subissant de plein fouet la canicule, tout le monde scrute le ciel, espérant le tonnerre, les éclairs et les gouttes de pluie grosses comme des galets. C’est dans cette poêle à frire urbaine que l’on retrouve un commerçant battu à mort.

J’ai commencé les polars de Varesi par le dernier, Or, encens et cendres. Je lis son œuvre à rebours depuis. C’est étrange. Je constate que Soneri est ici plus énervé, moins mélancolique, à vrai dire moins sympathique. Portant sa révolte en bandoulière, il est peu attentif aux autres. Il faut dire que sa chère ville de Parme est mise à l’encan, vendue peu à peu à des malfrats 2.0, la fameuse délinquance en col blanc.

Les mains vides posent surtout un constat : notre époque sent les égouts et nous sommes dorénavant résignés. Ce polar baigne dans une nostalgie un brin crispante. En ce sens que les générations précédentes savaient se soulever, s’opposer... Celles qui ont soutenu Mussolini et ne l’ont lâché qu’à la toute fin, par exemple ? Chaque génération est perdante par rapport à la précédente et ce fameux « c’était mieux avant » pourra bientôt nous faire regretter le temps des cavernes, à souhaiter la foudre pour alimenter le feu du foyer.

Et pourtant, Varesi touche ici à l’universel. Débusquant une nouvelle prédation à l’œuvre dans sa ville, il prend conscience de la fin d’une ère, des usages d’antan. Une nouvelle criminalité est en place, alimentant copieusement tous les râteliers. Ce beau monde se croise dans des réceptions où l’on mange debout et nos marges de manœuvres démocratiques, éthiques, se restreignent inexorablement.

Cette enquête de Soneri ne répond pas aux canons de l’investigation du qui, quand, pourquoi usuels. Ce livre, au symbolisme appuyé (cet orage qui se dérobe, métaphore de la purge qui ne viendra pas), ressort de la déambulation en une ville de Parme au charme décati et certain. Portées par une plume imagée, engagée, terriblement italienne (belle traduction de Florence Rigollet), Les mains vides déposent un polar atmosphérique, désabusé et amer dans les nôtres.

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