mercredi 7 octobre 2020


Ici, au S45, ce que nous appelons la xénosphère, le lien psychique que vous pouvez tous exploiter, est constitué de filaments fongiques et de neurotransmetteurs extraterrestres. [...] Elle est partout, dans tout l'environnement terrestre [...] Il existe une banque de données globale dans l'atmosphère elle-même. Un esprit universel auquel seuls des gens comme vous peuvent accéder. 

Nigeria, 2066. 

La ville de Rosewater a poussé comme un champignon autour d un biodôme extraterrestre mystérieusement apparu quelques années plus tôt et qui, depuis, suscite de nombreuses interrogations parmi la communauté internationale. 

Les habitants de Rosewater, eux, se fichent bien du comment et du pourquoi, tant que le dôme continue de dispenser ses guérisons miraculeuses lors de son ouverture annuelle. 

Karoo vit dans cette cour des miracles. Officiellement, il travaille comme agent de répression de la cyberfraude, mais il est aussi un membre du S45, une officine d État chargée de missions plus ou moins discrètes qui l a recruté en raison de ses pouvoirs psychiques, sans doute acquis au contact du dôme. 

Mais aujourd'hui, ses talents font de lui une cible.

En 1984 sortait Neuromancien de William Gibson. Ce roman fonda le mouvement cyberpunk où des hackers pénétraient réellement la matrice, sorte de web surmultiplié, et s’y mouvaient avec grâce pour dérober les secrets de multinationales surpuissantes. Sans Neuromancien, point de Matrix ni de Ghost in the shell.

Le roman phénomène du très doué Tade Thompson (auteur du remarqué et remarquable Les meurtres de Molly Southborne) est un héritier déviant de Neuromancien. À la matrice techno-frigide de Gibson, Thompson oppose une cosmologie aliène, un immense inconscient collectif, du Jung revu par ET. Seuls quelques elu.e.s  (?) peuvent voguer dans cet imaginaire fantasmé, ce vaste psychisme commun, au risque de s’y perdre...

Situé judicieusement en un Nigéria futuriste, Rosewater est une ville champignon (au sens figuré et propre) où les spores ont remplacé les pépites. Un organisme d’outrespace a fertilisé plusieurs endroits du globe, Londres, les USA (devenu terra incognita, plus rien n’en sort, plus personne n’y entre). Une colonisation du sous-sol suivie d’une prolifération en surface pour terminer sa croissance en un immense dôme spongiforme.

Quel est le but de cette anatomie sidérale ? En a-t-elle seulement un ? Est-elle consciente, pensante ? La réponse a ses questions n’est pas d’un inédit renversant. Rosewater est bien plus convaincant dans la peinture de ces personnages, sa construction temporelle alambiquée, qui acquière une cohérence biscornue et un tempo jamais démenti. Alternant les scènes d’actions, les combats psychiques épiques et les manipulations étatiques sordides et dérisoires, Rosewater est un excellent livre. De ceux qui interrogent notre rapport à l’inconnu. De la pure SF en somme.

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