mercredi 7 octobre 2020


Tant qu'on ne voit rien, personne ne dit rien, comme si Parme était la plus belle ville du monde, mais dès qu'ils ont la merde au cul, ils poussent des cris d'orfraie.

Parme, la nuit, le brouillard. 

Un carambolage monstrueux se produit sur l’autoroute : des voitures ratatinées, des camions en feu, une bétaillère renversée. Vaches et taureaux errent sur la route, désorientés. Et des gitans auraient été aperçus, profitant de la confusion pour piller les véhicules accidentés. 

Le commissaire Soneri est le seul flic de Parme qui connaît assez bien la plaine du Pô pour ne pas se perdre dans le brouillard : c’est lui qu’on envoie sur place. Au lieu de petits voleurs, il découvre au bord de la route le corps carbonisé d’une femme. 

Nina Iliescu est une immigrante roumaine qui laisse derrière elle une longue liste d’amants de la haute société parmesane. Agneau sacrificiel ou tentatrice diabolique, même dans la mort, la jeune femme à la beauté fascinante exerce son pouvoir sur Soneri. Et lui réserve quelques surprises…

Le désir est l’une des composantes de la lecture. Celui qui se laisse deviner ou qui happe d’emblée. Or, encens et poussière de Valério Varesi vous cueille dès les premières lignes. Les premières pages qui voient arriver le commissaire Soneri, héros récurrent et personnage attachant de Varesi, sur le lieu d’un carambolage noyé dans le brouillard, sont remarquables. Les taureaux surgissant de la brume, sur cet asphalte maudit, acquièrent, par la grâce de la plume, la beauté de minotaures égarés. La suite du roman déroule une enquête sur le cadavre d’une jeune roumaine brûlée vive, retrouvée sur les lieux de l’accident routier.

Or, encens et poussière appartient à ces polars d’ambiance où l’atmosphère compte finalement plus qu’une intrigue qui ne répond pas aux canons de l’investigation nerveuse à l'anglo-saxonne. Soneri prend son temps tout en étant pressé par lui, ce qui donne à ce livre un charme fou, un faux rythme mélancolique, bercé par les affres du commissaire qui sent sa compagne lui échapper.

Valério Varesi est adepte de ces instructions poétiques, quasi holistiques, où tout fait sens, où les coïncidences sont des biais tout autant valables qu’une perquisition et relevé d’empreintes. Il a un petit côté Adamsberg (le héros de Fred Vargas) ce Soneri, à moins que ce ne soit l’inverse.
Un polar au climat latin, italien, terriblement italien. Ces polars atmosphériques sont presque toujours profondément ancrés géographiquement. Or, encens et poussière ne déroge pas, au contraire. Parme est, avec Soneri, l’autre grand personnage du livre. Une Parme goûtue (les agapes de Soneri sont une torture si on les lit face à un jambon beurre famélique), bourrue et élégiaque, d’une poésie languissante.

Soneri ira au bout de son enquête et de ses tourments. Le dénouement est grinçant et inattendu, comme quoi l’intrigue n’est pas complètement sacrifiée sur l’autel d’une splendeur parmesane fatiguée, arpentée par un policier quinquagénaire qui ne se résigne pas à la résignation.

Un très beau livre, magnifiquement traduit par Florence Rigollet.

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