samedi 3 octobre 2020


Les chapacans.
Le système Gaudin repose sur trois principes . Sa soumission au Syndicat Force Ouvrière local, en échange de laquelle il a reçu un soutien affiché au gré des élections. Une servilité envers les gros promoteurs immobiliers faisant du vieux maire celui qui restera le bâtisseur de la Marseille moche, de grands ensembles qui se paupérisent à peine le béton sec. Et enfin, dernier pilier du gaudinisme, la vassalisation des incompétents : sa république des chapacans, mot marseillais qui désigne des incapables de peu de scrupule.

C'est l'histoire d'une ville qui s'effondre. Et d'un maire qui vacille. Ou l'inverse.

Depuis l'effondrement, le 5 novembre 2018, de deux immeubles, rue d'Aubagne dans le quartier de Noailles à Marseille, près du Vieux-Port, et la mort de huit habitants, la gestion de Jean-Claude Gaudin est pointée du doigt de toutes parts. 

À la veille d'élections municipales qui marqueront la fin de vingt-trois ans de règne sans partage, la valse des prétendants prend les allures d'un fascinant jeu de massacre, où les marionnettes préfigurent la partition électorale à venir.

Dans une ville qui se paupérise plus qu'elle ne se gentrifie, les réseaux d'influences se pilotent depuis les quartiers riches. De cet effondrement, beaucoup espèrent émerger pour gouverner la ville. Mais rien ne pousse sur un tas de gravats. Sinon de l'herbe folle.

On admet aisément que les lieux ont une âme. Il s’agit, le plus souvent, d’une commodité plus qu’une certitude métaphysique. Tout de même... Si des localisations dans l’espace ont une âme, peut-on supposer qu’elles transmigrent ? Leurs prochaines incarnations se doivent de refléter l’avancement ou la reculade sur l’échelle de la félicité. Je m’interroge. Qu’a bien pu faire Marseille pour mériter Gaudin presque 30 ans ?

Le 5 novembre 2008, deux immeubles rue d’Aubagne, dans le quartier de Noailles près du vieux port, s’effondrent et huit personnes y perdent la vie. Gaudin tombe le masque. Lui qui, via sa politique immobilière, porte l’art du profit immédiat à une température proche de la fission nucléaire. Un masque mortuaire, grinçant et figé, que la galéjade, les peuchère pagnolisés à tour de bouche, n’arrivent plus à animer.

Gaudin a mis trente ans à conquérir Marseille, 27 ans à la conserver. Et il vacille. Enfin... L’accent chantant tourne à vide, ainsi que sa tactique à tendance à noyer sous le bashing toutes critiques à son encontre (c’est la faute à l’Etat, Paris, le PSG). Le Vieux se retire.

Les bébés Gaudin sont là, prêt à fondre sur le trône. Ils se jaugent, se détestent, mais partagent le même creuset d’un seuil d’incompétence si bas qu’on va trouver du pétrole, une indécence invraisemblable et une offuscation qui vient plus vite qu’un tweet de Donald Trump (Paris, l’Etat, le PSG, encore...).

Pujol délaisse ici le ton plus factuel de La fabrique du monstre, son précédent livre sur Marseille. Il adopte une ironie distante, une hargne sincère. Il faut dire que son pamphlet est étouffant, sidérant, hallucinant par moment. Parfois un brin abscons, il m’est arrivé de décrocher devant les sigles paradant en nombre pour alimenter le mille-feuille administro-financier marseillais, celui qui fait le miel des conseillers municipaux et promoteurs. Et le malheur de ses habitants. C’est aussi par son attention aux plus humbles, aux dupés concassés du système, que Pujol emporte l’adhésion.

Marseille est à la croisée des chemins. Philippe Pujol nous éclaire sur celui à ne plus emprunter.

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