mardi 7 avril 2020


"L'idée était de devenir super-riche, d'accéder à la richesse qui permet de tyranniser et d'humilier ses semblables.
La richesse qui vous offre des majordomes, des chauffeurs, des cuisiniers et des jets privés, qui vous permet de boire du champagne tout en vous faisant sucer la bite par la poupée Barbie qui vous sert de femme alors que vous vous apprêtez à aller faire un golf avec le président des États-Unis.
Voilà ce qui fait fantasmer ces trous du cul."

Salutations les aminches. 

Nous vivons des temps troublés, des temporalités peu attrayantes. 

Le passé constamment réévalué par des éditocrates ou des ceusses "Ah, si nous avions été aux manettes", ils rejouent le match sans accrocs ni croc en jambes. L'avenir, vendu comme nouveau, une nouvelle ère on vous dit, alors que nous subodorons déjà la continuité dans le changement. 

Que nous reste-t-il, hormis savourer le temps présent ? Ce qui, en ce confinement anxiogène, peut s'apparenter à une provocation élitiste d'un mec qui sirote son café dans sa jolie maison avec vue sur jardin... 

C'est là que la littérature peut nous aider. À condition de sélectionner avec soin l'auteur...


À quoi sert d’avoir dix millions de dollars en devises variées si, comme Neal Nathanson, on se trouve perdu en mer à bord d’un voilier en train de sombrer ? Strictement à rien, sauf à en brûler un sac ou deux dans l’espoir fou d’attirer l’attention. Sauvé in extremis, Neal se réveille attaché au garde-fou d’une navigatrice en solitaire, méfiante et bien décidée à entendre son histoire. 

Neal lui parle alors de Bryan, un jeune loup de Wall Street qui a réussi à détourner un magot conséquent avant de s’enfuir dans les Caraïbes. Bien sûr, la banque qui l’employait a lancé des enquêteurs à sa poursuite, avant que les clients spoliés ne s’aperçoivent (enfin) que les traders sont des voleurs. C’est ainsi que Neal, accompagnée d’une pro de la finance, la très douée Seo-yun, s’est retrouvé en charge de récupérer l’argent. 

Simplement, il n’était pas le seul.

Mark Haskell Smith n'a pas la prétention d’écrire le Livre définitif qui marquera les consciences pour des siècles et des siècles, amen... Et pourtant, son polar vicieux et revigorant, qui réussit l'exploit d'être tout à la fois d'une immoralité jouissive et une dénonciation féroce des dérives d'un marché financier accapareur, avide, affamé, me hante encore...

Ce COUP DE VENT a-t-il d'autres prétentions que nous faire passer un moment hors du temps, nous décrasser des infos en continu et en boucle, de ces paroles d'experts qui se succèdent en litanie morbide et absurde ? C'est déjà énorme ce que nous procure Mark Haskell Smith : une évasion, un oubli, un rire mainte fois répété devant les péripéties de plus en plus débridées de cette course poursuite effrénée. 

Admirablement traduit par Julien Guerif...

... la collection Gallmeister, en plus de bénéficier d'un vivier exponentiel de découvreurs truffiers de pépites nord atlantique, bénéficie des bons offices des meilleurs traducteurs de la place...

... Mark enchaîne les (re)bondissements, les scènes de culs crues et poétiques, les sanglantes confrontation à un rythme d'enfer sans jamais sacrifier à la cohérence. Tout en semant, ci et là, des piques savoureuses et acides sur un système marchand cupide, d'une cupidité qui ne peut jamais s'assouvir : cela ne peut que mal finir. 

Qui peut dire non à un tel livre, confiné ou non ?

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