mercredi 8 avril 2020


"Nous avons l'habitude de considérer les plombiers du Watergate comme des Cubains ignorants conduits par des clowns. Le fait d'être tourné en ridicule est, bien entendu, une couverture en soi ; la CIA peut compter sur les médias pour accréditer ce déguisement. De simples affirmations font immédiatement paraître absurdes les actions étranges."


Salutations les aminches. 

En ces temps traître, le sommeil l'est tout autant. Il peut fuir, tendre ses bras vicieusement et se dérober. Et moi d'épouser les angles arrondis du canapé, m'abrutir devant les chaines infos en continu pour renouer avec le processus du repos salvateur. Voir la sombre litanie des Cassandre masquées se réjouir calmement qu'on les écoutes (enfin!), assister au décompte mortifère et sombrer dans hébétude. 

Et m'ébrouer. Éteindre la télé et me saisir d'une geste journalistique authentique, lire quelque chose digne de ce nom, dieux de l'enfer ! 



"Grande gueule" de la littérature américaine du XXe siècle, Norman Mailer a tout vu, tout lu, tout entendu, et avait une opinion sur tous les sujets.

C'est avec une passion communicative qu'il nous fait partager ses états d'âme au long des articles; souvent de véritables "ruminations", ici rassemblés.

On découvrira ainsi ses opinions sur nombre de ses contemporains, écrivains ou artistes, comme Gore Vidal, Truman Capote ou Janet Flanner (qu'il met en scène dans une drôle de parodie de "talk show"), Henry Miller ou encore Hemingway, son idole (ou presque), mais aussi sur tel film célèbre (Le Dernier Tango à Paris).

Il se livre également au fil d'entretiens où il aborde les thèmes les plus divers: la révolution sexuelle, l'art, la science, le fonctionnement de la CIA, les vedettes de son époque (Mick Jagger). Rien n'échappe au regard toujours critique et parfois féroce de "l'énorme" Mailer.

J'aime beaucoup Norman Mailer. Son appétit d'ogre littéraire, ce hipster (il a inventé le terme) sans barbe, ce marginal épris de reconnaissance, avide de polémiques, un montre de paradoxes et un foutu écrivain. 

Lire la chronique qu'il fait du Watergate dans son recueil Morceaux de bravoure est un bonheur qui se mérite. Il faut dire que l'écriture de Mailer est à son image : ramassée, trapue et dense. Impliquer la CIA dans ce vaudevillesque cambriolage, imaginer complots et contre complots, pour la beauté du geste, sans jamais omettre qu'il s'avance dans des domaines de pure spéculation. Spéculatif mais probable. 

Omissions que l'on a arrêtées de compter de  nos jours, devant les logorrhées quotidiennes des éditorialiste d'opinion qui ont remplacé insidieusement les journalistes d'investigation.

Tant pis pour mon sommeil, tant mieux pour mon insomnie. Lier, comme le fait Mailer, le métier de courtisane (via un audacieux rappel de "Splendeur et misère des courtisanes" de Balzac) à celui d'espion est de nature à nourrir mon amour du journalisme gonzo et de l'insomnie récréative...

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