mercredi 8 avril 2020


"Il ne devrait pas être enterré sans nom. C'est comme ça qu'on sème les revenants."

Hälsningar (je crois) les aminches.

Deux bonnes volontés vont aujourd'hui guider mes doigts, pianotant le clavier avec la rapidité gracile d'un gastéropode sous Valium : 

- Rattraper mon retard sur mes lectures marquantes.
- Célébrer, comme il se doit, les traductrices et traducteurs qui nous permettent de lire des livres tels que : 


1793. Le vent de la Révolution française souffle sur les monarchies du nord. Un an après la mort du roi Gustav III de Suède, la tension est palpable. Rumeurs de conspirations, paranoïa, le pays est en effervescence. 

C'est dans cette atmosphère irrespirable que Jean Michael Cardell, un vétéran de la guerre russo-suédoise, découvre dans un lac de Stockholm le corps mutilé d'un inconnu. L'enquête est confiée à Cecil Winge, un homme de loi tuberculeux. 

Celui-ci va bientôt devoir affronter le mal et la corruption qui règnent à tous les échelons de la société suédoise, pour mettre à jour une sombre et terrible réalité.

1793 fut une gifle littéraire de la fin 2019. Sous les auspices d'Umberto Eco, Tim Willocks, Iain Pears, Niklas Natt Och Dag (Nicolas nuit et jour !) révolutionne le thriller historique. Un peu comme si Ellroy s'était égaré en ce siècle révolutionnaire, également. Ce qui est l'occasion de constater l'excellence toujours renouvelée des choix éditoriaux de la maison Sonatine.

1793 est un livre extrêmement charnel, un polar sensoriel, quasiment vendu avec un kit complet d'immersion sensorielle. Et là... soulignons le travail magistral de Rémi Cassaigne qui donne vie aux mots de Niklas et nous plonge dans la furia orchestrée de Natt Och Dag. La traduction est un métier que j'imagine âpre autant que passionnant. L'édition anglo-saxonne opta pour le titre The Wolf and the Watchman mais je préfère ce 1793 qui claque sur la couverture, magnifique, du broché hexagonal.

1793, donc, est un roman qui se hume, se renifle. Ça fouette méchamment. Les odeurs saumâtres, la crasse et les fluides corporels, se mêlent à une vision hallucinée et avérée d'une société sans classe moyenne, où la richesse la plus indécente côtoie la misère la plus absolue. C'est dans ce cosmos ubuesque que notre duo d'enquêteurs, un marin manchot, alcoolique et un tuberculeux aux portes de la Faucheuse, traquent une vérité dérangeante. 

Niklas Natt Och Dag nous perd pour mieux nous rattraper. L'intrigue sinueuse et perverse multiplie peut-être un peu trop les fausses pistes, abandonnées sans états d’âmes ; mais quelle écriture ! Quelle précision, quel souffle, dans ces descriptions sensibles, capiteuses, rythmant le récit sans jamais l'alourdir.

Cette relation d'un monde vacillant est saisissante. Cette investigation est portée par deux personnages marquants, autant qu'attachants, se mouvant dans une sorte d'Apocalypse, alimentée de de soubresauts révolutionnaires, la guillotine fonctionnant à plein, les têtes s'entassant dans les panier en osier, voisinant celles des ennemis d'hier.

Impressionnant...

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