lundi 29 avril 2019


"En définitive ce n'est pas la poésie qui doit être libre, c'est le poète"


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Bonjour les aminches, 

La littérature est une passion française. Et comme toutes passions, elle provoque des dérangements, des tremblements, des malaises. Comme l'idée saugrenue de mettre à l'honneur Charles Maurras, fondateur de L'Action française, grand prosateur peut-être, homoncule infâme plus surement. 

Et Céline, bien sûr, Céline. Le grand et le terrible, qui de son VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT n'en finit plus de hanter les cénacles et de provoquer des prurits d'admiration béate. Et l'on sinue, on contourne et on louvoie pour expliquer, amender : c'est que vous comprenez... C'est un génie. 

En quoi le Génie est-il une excuse ? Ne serait-ce pas, plutôt, une circonstance aggravante ? Si tant est qu'il y ait génie...

Et face à un Luchini postillonnant, vibrionnant d'enthousiasme, bramant "Céline, Céline", je rêve souvent d'une femme calme et posée, susurrant dans un soupir, clair et définitif, : "Desnos, Desnos...".


Du Montparnasse des années folles au Paris de l’Occupation, Gaëlle Nohant ressuscite un héros incandescent, généreux et libre. Ses amis s’appelaient Jacques Prévert, Louis Aragon, Jean-Louis Barrault ou Pablo Neruda. Poète, amoureux, résistant, féroce et blagueur, il croquait la vie, aimait Youki et la liberté à en mourir. 

Gaelle Nohant tire Desnos de la torpeur oublieuse où l'on a eu le tort de laisser Robert Desnos dormir. 

D'une plume alerte, incisive, Gaelle Nohant fait revivre un poète libre, insoumis, surréaliste qui n'aime pas plus se plier aux diktats mesquin d'un André Breton, petit Stalinien de plume qu'aux nouveaux maîtres de la sphère culturelle du Paris collaborationniste. Le prince des poètes ne fut jamais le poète des princes.

Surtout, l'écrivaine montre l'absolue modernité de ce touche à tout qui fit de sa vie un poème, qui la consuma.

Enfin, ce dormeur éveillé est un amoureux des femmes et d'une en particulier, Youki, qu'il aima d'un amour incandescent et inaltérable. 

Bref, un sacré bonhomme que ce Desnos. Certainement pas un saint, il pouvait commettre lui aussi quelques médiocrité mais à l'heure du choix, il sut faire ce qui est juste.

Ces quelques 500 pages de cavalcade dans un paris d'après guerre qui sombre peu à peu dans la collaboration la plus crasse sont rendues avec une justesse et une verve qui laissent admiratif. 

Entrelardé des vers puissants, prothétiques et beaux, tout simplement beaux, de Desnos, LÉGENDES D'UN DORMEUR ÉVEILLÉ nous montre que la bohème ne dura qu'un entre-deux mais que ces années là... C'était quelque chose ! 

Je déteste dévoiler un dénouement mais il est de notoriété publique que Desnos mourut en déportation, dénoncé par les amis que fréquentait Louis Ferdinand Céline assidûment. 

Un de ses compagnons de détention rapporta, qu'à une aube, réveillé brutalement par les SS et au garde à vous dans le petit matin glacial, dans l'une de ces décisions absurdes, chaotiques que produit le pouvoir absolu d'hommes sur d'autres hommes, ce jeune homme murmura à Desnos "C'est mon anniversaire aujourd'hui". 

Et Desnos de répondre 

"C'est gentil de m'avoir invité". 

Et ça... Cela vaut toutes les phrases du Destouches.

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