"Commençons donc en 1964, avec trois meurtres. Trois pierres lancées dans une mare dont personne ne s'était soucié depuis le siège de Vicksburg, mais qui allait bientôt devenir le centre de l'attention mondiale. Un endroit que la plupart des gens aux États-Unis considéraient comme étant différent du reste du pays alors qu'il incarnait précisément l'âme torturée de l'Amérique.
L'État du Mississippi."
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Best Greetings les aminches.
La mémoire est une chose étrange. Elle redessine les contours de nos souvenirs que nous pensions gravés dans le marbre, les contours aussi immuables que le livruscule de Amélie Nothomb chaque automne. Puis, subtilement, sensiblement, nous constatons que ces souvenirs sont sujets à interprétation. D'autant plus s'ils concernent des émotions vives. Ainsi, nos parents cessent d'être des héros, des incarnations quasi divines pour se révéler humains, faillibles.
Faut-il forcément, pour grandir, tuer son père ?
Ancien procureur devenu maire de Natchez, Mississippi, sa ville natale, Penn Cage a appris tout ce qu’il sait de l’honneur et du devoir de son père, le Dr Tom Cage.
Mais aujourd’hui, le médecin de famille respecté de tous et pilier de sa communauté est accusé du meurtre de Viola Turner, l’infirmière noire avec laquelle il travaillait dans les années 1960.
Penn est déterminé à sauver son père, mais Tom invoque obstinément le secret professionnel et refuse de se défendre. Son fils n’a alors d’autre choix que d’aller fouiller dans le passé du médecin.
Lorsqu’il comprend que celui-ci a eu maille à partir avec les Aigles Bicéphales, un groupuscule raciste et ultra-violent issu du Ku Klux Klan, Penn est confronté au plus grand dilemme de sa vie : choisir entre la loyauté envers son père et la poursuite de la vérité.
Ce livre, énorme à tout point de vue, aura mis quatre ans à traverser l'Atlantique. Écrit en 2014, traduit en 2018, il offre à nos mirettes une épopée magistrale.
Une furia, une geste de haine, de sang, de lynchage qui connut son age d'or dans les années 1960 et qui perdure encore aujourd'hui. Oublions Nino Ferrer, on dirait le Sud, oui, pour certain(e)s on fuirait le Sud serait plus vital.
Sur presque mille pages, Greg Iles nous conte les ferments de la haine et ses répliques des décennies plus tard. Le lecteur balance ainsi des lynchages des sixties à la retraite dorée de ces anciens cagoulés de blanc.
Greg Iles s'attarde peu finalement sur ces prophètes d'une supériorité raciale imaginaire, d'une bêtise abyssale. Il se focalise sur les victimes et sur celles et ceux qui tentèrent de faire le bien, n'oubliant pas de survivre. Survivre si tu es blanc. Pour les noirs la soumission se doit d'être totale si l'on veut esquiver une mort douloureuse.
Ces temps troublés se prêtent aux compromission et le protagoniste principal de BRASIER NOIR, Penn, se demande jusqu'où son père a poussé le curseur. Un père qui a tout du saint laïque mais qui assume de plus en plus difficilement son auréole.
Cette attention aux personnage est l'un des plus fort atouts de ce roman à mon sens. Toute une assemblée de personnages, ciselés au plus prêt du stylet, du plus admirable au plus infâme, se partage la scène. Greg Iles passe du "je" au "il" avec une grande aisance, tout comme il saute d'une génération à l'autre, en ne perdant pas son objectif de vue : la justice.
BRASIER NOIR nous parle avant tout de cela, de justice. Nous en parle en adoptant la rondeur, la graphie élégante, d'une plume empathique et mesurée qui permet une pleine identification aux véritables héros de cette quête qui coure sans fléchir ce quintal livresque. Ce ton humain et directement accessible - à l'encontre du kaléidoscope syncopé que nous aurait asséné un Ellroy auquel on songe irrésistiblement au vu de l'ampleur du projet et du sujet - souligne intelligemment les aléas horribles et sanglants qui traversent, fulgurent, ce premier opus d'une trilogie qui fera date.
Tuer le père ? Tachons de le comprendre tout d'abord. Pour celui qui sut garder son humanité au milieu du carnage et du prix qu'il dut payer.
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