samedi 24 novembre 2018


"Il était seul au fond des mers. La nature extrême de cette situation le fascinait. Il avait toujours aimé les ténèbres, mais jusqu'alors, la nuit était la seule forme qu'il avait connu. Cette obscurité-là était faite de l'étoffe des cauchemars."
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Hello les aminches

Le brouhaha des prix littéraires s'estompe. Le prix Goncourt a été attribué à la même maison d'éditions (Acte Sud), ce qui attesterait que l'on a récompensé l'oeuvre, sans tenir compte des guerres d’ego et des renvois de bons procédés qui polluent ce genre de pince fesse. 

Je n'ai pas lu le Goncourt, je ne peux rien en dire. Félicitons l'auteur. L'écrivain. Un homme. Encore. Quatre finalistes. Quatre hommes. Encore. Devons nous vraiment le déplorer ? Après tout, seuls comptent les livres, pas vrai ? L'écriture est-elle si différente quand la plume est tenue par une femme ?

Peut-être... Je n'en sais rien. Ce dont je suis certain, c'est que si Jennifer Egan avait été française, les finalistes auraient peut-être été moins burnés...

Alors qu'elle a presque douze ans, Anna Kerrigan accompagne son père chez Dexter Styles, un homme qui, comprend-elle, est crucial pour la survie de sa famille. Derrière sa maison, elle aperçoit l'océan, qui l'émerveille autant que le mystère pesant qui lie les deux hommes. 

Des années plus tard, son père a disparu, et le pays est en guerre. Anna travaille au chantier naval de Brooklyn, où les femmes effectuent des tâches autrefois réservées aux hommes, désormais au front. 

Elle devient la première femme scaphandrier ; sa mission essentielle, des plus dangereuses, consiste à réparer les navires qui aideront les États- Unis à remporter la guerre. 

Un soir, dans un club, elle croise de nouveau le chemin de Dexter Styles, et commence à comprendre la complexité de la vie de son père, ainsi que les possibles raisons de sa disparition.

Alors qu'il a créé l’événement sur ces terres natales, de ce coté ci de l'atlantique, ce MANHATTAN BEACH n'a pas fait swinguer les têtes de gondoles. C'est bien dommage...

Jennifer Egan (lauréate du Pulitzer, le Goncourt US en quelque sorte) nous propose ici une plongée (au sens propre et figuré) éblouissante dans l'histoire de son pays, à un moment charnière. Celui où va changer la relation entre les USA et le monde, entre les hommes et les femmes. 

Jennifer Egan s'empare de cette histoire avec un sens du romanesque qui ne s’aliène jamais une peinture fine et sensible des personnages inoubliables qui traversent ce roman. 

Quelle époque étourdissante ! Les Etats-Unis, se ressentant encore des répliques sismique de la crise de 29, envoient sa jeunesse se battre et mourir sur le théâtre européen en 1941. La fleur est encore au fusil, les jeunes hommes fanfaronnent un brin et les femmes vont faire tourner l'économie et soutenir l'effort de guerre. 

La jeune héroïne, Anna, va tout faire pour devenir scaphandrière, malgré les préjugés machistes qui encrassent les synapses masculines. Beau personnage, bien campé, fragile et fort, qui arrive à cheminer sur des sentiers parallèles, pourtant très balisés. La femme forte et belle, qui trimbale sur ses épaules fines un trauma lourd comme une enclume rouillée, commence à ressembler dangereusement à un lieu commun. 

Jennifer Egan arrive brillamment à renouveler cette figure, tout comme celle du mafieux, propriétaire de clubs, qui fréquente la haute société. Ce qui nous vaut quelques portraits acides de profiteurs de guerre qui pérorent sur la suite des opérations, enquillant les millions sans rien faire d'autre qu’exhaler la fumée sucrée d'un cigare. 

Je ne sais vraiment pas si l'écriture féminine est plus sensible que la masculine. Plus portée sur une bienveillance naturelle. Je me méfie énormément de ces raccourcis, ces essentialisations pernicieuses. Ce fameux care féminin, qui poussé jusqu'au bout de sa logique, condamnerait les femmes aux taches socio-éducatives. Elles sont plus attentives aux autres, plus douces, comme ont su l'être Magaret Thatcher et Idelma Marcos.

Je m'éloigne...

Je ne sais donc si la plume féminine diffère de la masculine. Ce que je sais, c'est que celle de Jennifer Egan diffère souvent.

En mieux.

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