"Lorsque les parents d’un enfant sont tués sous ses yeux, c’est comme si l’on tuait tout l’univers avec le soleil, la lune, l’arbre, le champ, le cahier, la poupée. Même s’il lui reste un grand-père, un frère, une sœur, dorénavant ils lui sembleront tout différents, comme venus de la fin des temps. Les choses ne seront plus à leur place même si leur forme demeure."
***
Pozdrowienia (enfin je crois) les aminches.
Certains sujets sont écrasants. Traiter de la Shoah, de l'esclavage ou du racisme entraînent un décalage de la critique. Soit elle se fait plus indulgente en regard de la gravité de l'objet traité, soit plus incisive toujours pour la même raison, cette gravité nécessitant un traitement plus fin, plus subtil.
La Liste de Schindler est l'exemple idoine. La plupart des critiques se sont félicitées de la mise à disposition de la notoriété et du savoir faire Spielbergien. D'autres, plus rares, ont déploré une dramatisation outrancière, un suspense indécent.
Je pensais me trouver quelque peu face au même dilemme une fois ce livre reposé.
Finalement...
Vivait à Sochy – l’Oradour-sur-Glane polonais – une fillette prénommée Renia, avec son papa, sa maman, son frère et sa sœur.
Lorsque les Allemands sont arrivés, ils ont incendié le village et tué ses parents, ainsi que deux cents autres civils, dont des vieillards et des nourrissons.
Elle a tout vu.
Des années plus tard, Renia donne naissance à une petite fille, mais elle-même est restée une enfant.
La petite fille s’appelle Anna Janko. Elle est aujourd’hui poétesse, romancière, chroniqueuse à succès, et c’est à 57 ans qu’elle raconte enfin le malheur arrivé à sa mère. Ou, plus exactement, le sien.
Anna Janko est une archéologue du trauma. Elle exhume les strates du massacre qui a anéanti ses grands parents et traumatisé définitivement sa mère.
Ce qui marque à la lecture de cet ouvrage, c'est le (juste) ton, la parfaite distance de la plume d'Anna Janko. S'éloignant d'une impartialité universitaire illusoire, Anna Janko assume une colère froide, elle porte un fardeau, une enfance à côtoyer des spectres, les parents de sa mère qui ne combla jamais la fêlure béante ouverte par la pillage, la mise à sac de Sochi.
On a pu reprocher à Anna Janko une vision partiale de l'histoire, une exonération des Polonais et de leur antisémitisme conquérant. Outre que nous Français pouvons difficilement donner des leçons (si l'on excepte les zélateurs d'un Zemmourisme révisionniste), je ne vois guère en quoi les habitants de Sochi ne sont pas des victimes. Anna Janko se montre aussi très factuelle dans son livre, elle donne chiffres et faits avérés, elle les interprète en un sens polono-centré. Il s'agit de son pays après tout. De sa famille. De son passé.
Une petite extermination, oui, un nettoyage anodin, presque en passant, au sein de l'industrialisation des tueries de masses. Des vies brisées, détruites, à l'image de cette montre arrêtée, symbole du temps dérobé.
Anna Janko alterne, au fil de courts chapitres rageurs et terribles, tragédies familiales et réflexions historiques voire philosophiques, toujours avec cette plume acérée, qui fouaille, qui gratte, qui grince...
Anna Janko ne lâche rien.
Certains sujets sont écrasants. Traiter de la Shoah, de l'esclavage ou du racisme entraînent un décalage de la critique. Soit elle se fait plus indulgente en regard de la gravité de l'objet traité, soit plus incisive toujours pour la même raison, cette gravité nécessitant un traitement plus fin, plus subtil.
La Liste de Schindler est l'exemple idoine. La plupart des critiques se sont félicitées de la mise à disposition de la notoriété et du savoir faire Spielbergien. D'autres, plus rares, ont déploré une dramatisation outrancière, un suspense indécent.
Je pensais me trouver quelque peu face au même dilemme une fois ce livre reposé.
Finalement...
Vivait à Sochy – l’Oradour-sur-Glane polonais – une fillette prénommée Renia, avec son papa, sa maman, son frère et sa sœur.
Lorsque les Allemands sont arrivés, ils ont incendié le village et tué ses parents, ainsi que deux cents autres civils, dont des vieillards et des nourrissons.
Elle a tout vu.
Des années plus tard, Renia donne naissance à une petite fille, mais elle-même est restée une enfant.
La petite fille s’appelle Anna Janko. Elle est aujourd’hui poétesse, romancière, chroniqueuse à succès, et c’est à 57 ans qu’elle raconte enfin le malheur arrivé à sa mère. Ou, plus exactement, le sien.
Anna Janko est une archéologue du trauma. Elle exhume les strates du massacre qui a anéanti ses grands parents et traumatisé définitivement sa mère.
Ce qui marque à la lecture de cet ouvrage, c'est le (juste) ton, la parfaite distance de la plume d'Anna Janko. S'éloignant d'une impartialité universitaire illusoire, Anna Janko assume une colère froide, elle porte un fardeau, une enfance à côtoyer des spectres, les parents de sa mère qui ne combla jamais la fêlure béante ouverte par la pillage, la mise à sac de Sochi.
On a pu reprocher à Anna Janko une vision partiale de l'histoire, une exonération des Polonais et de leur antisémitisme conquérant. Outre que nous Français pouvons difficilement donner des leçons (si l'on excepte les zélateurs d'un Zemmourisme révisionniste), je ne vois guère en quoi les habitants de Sochi ne sont pas des victimes. Anna Janko se montre aussi très factuelle dans son livre, elle donne chiffres et faits avérés, elle les interprète en un sens polono-centré. Il s'agit de son pays après tout. De sa famille. De son passé.
Une petite extermination, oui, un nettoyage anodin, presque en passant, au sein de l'industrialisation des tueries de masses. Des vies brisées, détruites, à l'image de cette montre arrêtée, symbole du temps dérobé.
Anna Janko alterne, au fil de courts chapitres rageurs et terribles, tragédies familiales et réflexions historiques voire philosophiques, toujours avec cette plume acérée, qui fouaille, qui gratte, qui grince...
Anna Janko ne lâche rien.
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