"Nous regardons les constellations dans un espace à une dimension et nous avons l'impression qu'elles sont toutes liées. Nous pensons qu'en reliant les points, une image apparaîtra. Mais il est fort probable que les ponts ne sont pas reliés. Elles se trouvent sur des plans géométriques différents et à des années-lumière les unes des autres."
***
Hello les aminches.
Dans mon post précédent, je constatais que la rentrée littéraire accompagnait la valse des cahiers grands et petits carreaux, la rumba des stabilo, des cartables pesant un cheval mort.
On peut le déplorer. On peut aussi se féliciter que la littérature provoque encore ce genre de brouhaha. Le corollaire inévitable à ce débarquement compulsif, ramassé sur un ou deux mois, de coups de cœur éditoriaux est la combustion lente des prix littéraires.
Un mot d'ailleurs.
La sélection du Renaudot est tombé. Et parmi ce pré-triage un bouquin fait polémique :
Ce n'est pas le sujet qui fait grincer (quoique...) mais bien son mode d'impression. Il est le fruit d'une auto-édition, à titres d'auteur. Jusque là... Rien à dire. Voir un auteur refusé par les maisons officielles se retrouver en lice pour un prix prestigieux a quelque chose de jouissif, une revanche des refusés, des mis à la poubelle, des récipiendaires du courrier type "votre livre ne rentre pas dans notre ligne éditoriale..."
Curieusement, la controverse n'est pas née de ces maisons d'éditions mais des libraires indépendants qui déplorent que l'auto-édition choisie soit celle d'Amazon... Je peux comprendre leur position quand on connait le management de merde d'Amazon, la concurrence frontale qui va au delà de la déloyauté, il faudrait inventer un mot.
Les tribunes ont fleuri, dans un langage fleuri. La réponse de l'auteur à ces tribunes rudes mais courtoises, à l'une d'entre elles en particulier, fut inélégante au possible. Il voit peut-être là la chance de sa vie lui être (encore) refusée pour ce qu'il tient pour un archaïsme, en fait un combat fondamental pour la survie de nombres de librairies indépendantes.
Le jury d'un prix doit-il tenir compte des ces réalités économiques ou s'en tenir à la qualité (seule et subjective) du livre ? N'ont-ils pas voulu faire un coup ceusses du Renaudot ?
Vaste débat que j'esquive en vous parlant de :
Dustin Tillman, est psychologue dans la banlieue de Cleveland. Ce quadragénaire, marié et père de deux adolescents, mène une vie somme toute banale lorsqu’il apprend que son frère adoptif, Rusty, vient d’être libéré de prison.
C’est sur son témoignage que, trente ans plus tôt, celui-ci a été condamné à perpétuité pour le meurtre de leurs parents et de deux proches. Maintenant que des tests ADN innocentent son frère, Dustin s’attend au pire.
Au même moment, l’un de ses patients, un policier en congé longue maladie, lui fait part de son obsession pour une étrange affaire : la disparition de plusieurs étudiants des environs retrouvés noyés, y voyant la marque d’un serial killer.
Pour échapper à sa vie personnelle, Dustin se laisse peu à peu entraîner dans une enquête périlleuse, au risque de franchir les limites que lui impose son rôle de thérapeute.
Un de mes amis me disait il y a peu "j'aime quand c'est américain et quand c'est gros" puis de se hâter de me préciser "en littérature hein, en littérature !"
Nul doute qu'il sera ravi en lisant le livre de Dan Chaon. Le masterpiece de cette rentrée littéraire. Un chef d'oeuvre qui ira bien au delà de l'automne 2018.
Edité à l'ancienne, étranger de surcroît, UNE DOUCE LUEUR DE MALVEILLANCE se tient à une saine distance de ce marigot franco-français et on l'oublie en tournant frénétiquement les pages de ce bouquin magistral.
Il ne fait pas bon d'être dans la tête de Dustin Tillman. La plongée dans la psyché de cet homme qui croyait s'être tiré sans encombre d'une tragédie familiale atroce s’apparente à un voyage sans retour, une exploration enténébrée de la paranoïa grandissante, galopante, d'un homme brisé.
Multipliant les points de vues et les narrateurs, s'appuyant sur la vague de dénonciations fantaisistes de crimes rituels sataniques dans les USA des années 80, UNE DOUCE LUEUR est une mécanique démoniaque, un bijou de précision et d'agencement.
Sans oublier une émotion qui vous prend parfois à la gorge... Une vision de la famille qui tient plus de FESTEN que celle gambadant dans la prairie. UNE DOUCE LUEUR DE MALVEILLANCE n'a rien de doux mais est d'une fluidité remarquable alors que l'auteur multiplie les inventions formelles, les phrases inachevées, plusieurs récits se faisant face sur une même page etc. Sans que cela ne nuise à la compréhension, sans que cela n'apparaisse comme une facilité snobinarde...
UNE DOUCE LUEUR nous rappelle que l'esprit est trompeur. Comment en témoigne la tripotée de souvenirs soi disant enfouis dans l'inconscient qui vont resurgir par la grâce de psychologues acharnés, archéologues courageux du subconscient, fouaillant la mémoire tronquée de nombreux patients pour exhumer des viols et autres tortures parfaitement imaginaires causées par des sectes satanistes tout aussi inventées...
Dustin va lui aussi interroger ses souvenirs et ne plus savoir distinguer l'avéré du fantasme... Le pouvons-nous ? Savons-nous, nous qui lisons ce livre, si nous arrivons à faire la distinction ?
Dustin le répète souvent à ses patients : « Nous n’arrêtons pas de nous raconter des histoires sur nous-mêmes. Mais nous ne pouvons maîtriser ces histoires. Les événements de notre vie ont une signification parce que nous choisissons de leur en donner une. »
Maîtrisons-nous quoi que ce soit ? Choisissons-nous vraiment ?
Une dernière précision. Si UNE DOUCE LUEUR semble relever du thriller, il n'en adopte pas les codes, les rouages. Si vous escomptez une fin fin propre et carrée, vous risquez d'être désappointé. Vous aurez bien un dénouement, magnifique, mais vous n'aurez pas d'explications définitives même si vous pouvez aisément vous faire votre propre idée sur le comment du pourquoi du comment.
Vertigineux.
Vraiment.
Dans mon post précédent, je constatais que la rentrée littéraire accompagnait la valse des cahiers grands et petits carreaux, la rumba des stabilo, des cartables pesant un cheval mort.
On peut le déplorer. On peut aussi se féliciter que la littérature provoque encore ce genre de brouhaha. Le corollaire inévitable à ce débarquement compulsif, ramassé sur un ou deux mois, de coups de cœur éditoriaux est la combustion lente des prix littéraires.
Un mot d'ailleurs.
La sélection du Renaudot est tombé. Et parmi ce pré-triage un bouquin fait polémique :
Ce n'est pas le sujet qui fait grincer (quoique...) mais bien son mode d'impression. Il est le fruit d'une auto-édition, à titres d'auteur. Jusque là... Rien à dire. Voir un auteur refusé par les maisons officielles se retrouver en lice pour un prix prestigieux a quelque chose de jouissif, une revanche des refusés, des mis à la poubelle, des récipiendaires du courrier type "votre livre ne rentre pas dans notre ligne éditoriale..."
Curieusement, la controverse n'est pas née de ces maisons d'éditions mais des libraires indépendants qui déplorent que l'auto-édition choisie soit celle d'Amazon... Je peux comprendre leur position quand on connait le management de merde d'Amazon, la concurrence frontale qui va au delà de la déloyauté, il faudrait inventer un mot.
Les tribunes ont fleuri, dans un langage fleuri. La réponse de l'auteur à ces tribunes rudes mais courtoises, à l'une d'entre elles en particulier, fut inélégante au possible. Il voit peut-être là la chance de sa vie lui être (encore) refusée pour ce qu'il tient pour un archaïsme, en fait un combat fondamental pour la survie de nombres de librairies indépendantes.
Le jury d'un prix doit-il tenir compte des ces réalités économiques ou s'en tenir à la qualité (seule et subjective) du livre ? N'ont-ils pas voulu faire un coup ceusses du Renaudot ?
Vaste débat que j'esquive en vous parlant de :
Dustin Tillman, est psychologue dans la banlieue de Cleveland. Ce quadragénaire, marié et père de deux adolescents, mène une vie somme toute banale lorsqu’il apprend que son frère adoptif, Rusty, vient d’être libéré de prison.
C’est sur son témoignage que, trente ans plus tôt, celui-ci a été condamné à perpétuité pour le meurtre de leurs parents et de deux proches. Maintenant que des tests ADN innocentent son frère, Dustin s’attend au pire.
Au même moment, l’un de ses patients, un policier en congé longue maladie, lui fait part de son obsession pour une étrange affaire : la disparition de plusieurs étudiants des environs retrouvés noyés, y voyant la marque d’un serial killer.
Pour échapper à sa vie personnelle, Dustin se laisse peu à peu entraîner dans une enquête périlleuse, au risque de franchir les limites que lui impose son rôle de thérapeute.
Un de mes amis me disait il y a peu "j'aime quand c'est américain et quand c'est gros" puis de se hâter de me préciser "en littérature hein, en littérature !"
Nul doute qu'il sera ravi en lisant le livre de Dan Chaon. Le masterpiece de cette rentrée littéraire. Un chef d'oeuvre qui ira bien au delà de l'automne 2018.
Edité à l'ancienne, étranger de surcroît, UNE DOUCE LUEUR DE MALVEILLANCE se tient à une saine distance de ce marigot franco-français et on l'oublie en tournant frénétiquement les pages de ce bouquin magistral.
Il ne fait pas bon d'être dans la tête de Dustin Tillman. La plongée dans la psyché de cet homme qui croyait s'être tiré sans encombre d'une tragédie familiale atroce s’apparente à un voyage sans retour, une exploration enténébrée de la paranoïa grandissante, galopante, d'un homme brisé.
Multipliant les points de vues et les narrateurs, s'appuyant sur la vague de dénonciations fantaisistes de crimes rituels sataniques dans les USA des années 80, UNE DOUCE LUEUR est une mécanique démoniaque, un bijou de précision et d'agencement.
Sans oublier une émotion qui vous prend parfois à la gorge... Une vision de la famille qui tient plus de FESTEN que celle gambadant dans la prairie. UNE DOUCE LUEUR DE MALVEILLANCE n'a rien de doux mais est d'une fluidité remarquable alors que l'auteur multiplie les inventions formelles, les phrases inachevées, plusieurs récits se faisant face sur une même page etc. Sans que cela ne nuise à la compréhension, sans que cela n'apparaisse comme une facilité snobinarde...
UNE DOUCE LUEUR nous rappelle que l'esprit est trompeur. Comment en témoigne la tripotée de souvenirs soi disant enfouis dans l'inconscient qui vont resurgir par la grâce de psychologues acharnés, archéologues courageux du subconscient, fouaillant la mémoire tronquée de nombreux patients pour exhumer des viols et autres tortures parfaitement imaginaires causées par des sectes satanistes tout aussi inventées...
Dustin va lui aussi interroger ses souvenirs et ne plus savoir distinguer l'avéré du fantasme... Le pouvons-nous ? Savons-nous, nous qui lisons ce livre, si nous arrivons à faire la distinction ?
Dustin le répète souvent à ses patients : « Nous n’arrêtons pas de nous raconter des histoires sur nous-mêmes. Mais nous ne pouvons maîtriser ces histoires. Les événements de notre vie ont une signification parce que nous choisissons de leur en donner une. »
Maîtrisons-nous quoi que ce soit ? Choisissons-nous vraiment ?
Une dernière précision. Si UNE DOUCE LUEUR semble relever du thriller, il n'en adopte pas les codes, les rouages. Si vous escomptez une fin fin propre et carrée, vous risquez d'être désappointé. Vous aurez bien un dénouement, magnifique, mais vous n'aurez pas d'explications définitives même si vous pouvez aisément vous faire votre propre idée sur le comment du pourquoi du comment.
Vertigineux.
Vraiment.
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