dimanche 22 juillet 2018


"Ici on sauve des vies. En mer, toutes les vies sont sacrées. Si quelqu’un a besoin d’aide, on lui porte secours. Il n’y a ni couleur de peau, ni ethnie, ni religion. C’est la loi de la mer."

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Salutamu (enfin je crois) les aminches

La personne qui tient ces propos sur la loi de la mer se situe sur le versant le plus à droite du spectre politique. Plongeur sauveteur de quasi deux mètres, ce colosse le déclare lui même : "je ne suis pas du tout de gauche, je suis même à l'opposé". Simplement, la loi de la mer ne souffre aucune exception ou ne devrait...


Un père et un fils regardent l’Histoire se dérouler sous leurs yeux, dans l’immensité de la Méditerranée, à Lampedusa. 

La loi de la mer est le récit de la fragilité de la vie et des choses, où l’expérience de la douleur collective rencontre celle, intime, du rapprochement entre deux êtres. 

Pendant plus de trois ans, sur cette île entre Afrique et Europe, l’écrivain et dramaturge Davide Enia a rencontré habitants, secouristes, exilés, survivants. 

En se mesurant à l’urgence de la réalité, il donne aux témoignages recueillis la forme d’un récit inédit, poétique.

Peu de livres se heurtent aussi frontalement à une actualité sordide que celui, lumineux, de Davide Unia. Il y narre les témoignages poignants des sauveteurs de Lampedusa. Cette île sicilienne, à la beauté aride, est en première ligne pour accueillir, repêcher les migrants fuyant la guerre. Comme le souligne Davide Enia, on ne fuit pas la guerre en prenant l'avion. Tassés sur des bateaux de fortunes, il frôlent la mort, à la dérive, en panne sèche le plus souvent, les cadavres se putréfiant à leur côtés ; ces femmes, hommes et enfants sont d'un courage invraisemblable... 

Croit-on vraiment qu'ils, elles vont tenir compte des rodomontades pathétiques et criminelles d'un ministre de l'intérieur fasciste nouvellement nommé ou des mesquins calculs politiques d'une Union Européenne en perdition ? 

Davide Enia se tient à une distance scrupuleuse de toute polémique crapoteuse. Il se fait passeur de la trajectoire de ses secouristes professionnels ou non, ces belles âmes. La citation de Edmund Burke est ici mise en défaut, vous savez celle qui proclame que le mal triomphe par l'inaction des gens de bien. Des gens de bien, Lampedusa n'en manque pas, Davide Enia les a rencontrés. 


Davide Enia
La mort et la mer ont une sonorité proche. La faucheuse n'est jamais loin dans LA LOI DE LA MER. Enia entrelace l'intime et le drame extérieur, la petite et la grande histoire. Le crabe qui consume son oncle, l'amour que se porte un père et son fils se mêlent aux deuils incessants de la Méditerranée qui engloutit les miséreux qui tentent de gagner les rivages d'un Eden européen. Une sorte de récit autobiographique à la manière d'un Emmanuel Carrère, mais en y infusant une pudeur toute palermitaine, celle de ces hommes taiseux, qui laissent le silence s'installer, qui doivent forcer leur nature profonde pour le briser.  

Ainsi, loin d'une exhibition qui serait malvenue, Davide Enia, par la grâce de sa plume précise, frugale et poétique, touche  à l'universel.

Un très beau livre.

L'un de ces sauveteurs en mer dit, à la fin du livre : 

"Nous à Lampedusa, tu sais, on fait rien de spécial. C'est normal. Tu vois quelqu'un à l'eau , tu te penches pour le repêcher. N'importe qui, s'il voit quelqu'un en train de se noyer, fait tout pour le sauver. Davidù, on n'est pas des héros."

Par les temps qui courent, je crois bien que si...

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