jeudi 7 décembre 2017


"Nous ne pouvions faire confiance qu’à nous-mêmes. Il s’agissait de la vie de plusieurs personnes. Creuser si près du but, ouvrir une brèche dans une cave, cela exigeait des nerfs d’acier."

***

Gruß les aminches. 

Un tunnel pour être digne de cette appellation se doit de respecter quelques critères. Parmi ces derniers : prendre fin et aperçevoir une lueur au bout.

Nul doute que cet homme hagard ci-dessus, au contour flou, fut quelque peu ébloui en débouchant le 14 septembre 1962 à Berlin Ouest. Ébloui par les projecteurs de NBC qui, après avoir financé la construction d'un tunnel cheminant d'Est en Ouest, filma l'arrivée des 29 qui purent s'extirper de la RDA cette nuit là.

Une histoire vraie, qui firent les beaux jours de la Network américaine. Une belle opération de propagande. Le tunnel des 29. 

Dont l'auteure Magdalena Parys s'inspire grandement pour son excellent polar : 


Berlin, 1998. Klaus Kreifeld reçoit la visite d’un certain Foerster, accompagné de son garde du corps. Peu après, il est assassiné. 

Vingt ans auparavant, en 1981, Klaus avait été chargé de diriger la construction d’un tunnel de 188 mètres de long entre Berlin Ouest et Berlin Est. L’objectif officiel de l’opération était d’organiser l’évasion d’un haut fonctionnaire communiste, le trouble Franz. 

Peter, un des membres de l’équipe ayant participé à la mise en œuvre de cette entreprise périlleuse, décide de mener l’enquête pour découvrir le meurtrier de son ami. 

Magdalena Parys ne manque ni de souffle, ni d’ambitions et a les moyens.

Elle s'empare d'une époque, ultra codifiée, l'affrontement des deux blocs, Berlin en point nodal. 

Toute une époque. 



Le mur avant sa chute. Une muraille artificielle de béton et barbelés, mortelle, qui serpente dans une ville meurtrie. 

"Est-ce à ce moment précis qu'elle a réalisé que la ville où l'on parlait la même langue et où on respirait le même air était coupée en deux."

Persuadé que la mort de Klaus est liée au tunnel, Peter retrouve ses camarades de l’époque et recueille leurs témoignages pour tenter de faire toute la lumière sur cette étrange aventure souterraine.

Après toutes ces années, il reste encore beaucoup de zones d’ombre. Comment se fait-il que le tunnel ait été creusé pour un seul homme ? Pourquoi la NBC voulait-elle filmer l’évasion ? Pourquoi les membres de l’équipe ont-ils été aussitôt interceptés et interrogés par les Américains ? Un accord avait-il été conclu entre les services secrets est-allemands et les renseignements occidentaux ? Dans quel but ?

Toutes ces questions trouveront une réponse dans un récit sinueux, choral, qui embrasse un quart de siècle d'une histoire allemande tragique et terrible. 

Magdalena Parys est berlinoise d'adoption, née polonaise. Cela se lit...

"J’ai eu aussi comme élève une autre gamine, Dagmara qu’elle s’appelait. Elle n’arrêtait pas de me narguer avec Copernic. « C’est un Polonais, un Polonais ! » répétait-elle. Petite merdeuse ! Qu’est-ce qu’elle a pu me taper sur les nerfs : Copernic, c’est un Polonais, Chopin, c’est un Polonais…"

Reposant sur une plume alerte, qui change subtilement de ton selon l'interlocuteur de Peter, 188 MÈTRES SOUS BERLIN nous happe inexorablement dans une intrigue où tout est lié. Où une planquée de personnages haut en couleurs se répondent, se croisent, s'imbriquent, au point de nous perdre pour mieux nous relancer au vol. 

Magdalena Parys tisse donc sa toile et nous proie consentante...

Autant le dire les filles la révélation finale est étrangement évacuée même si elle se révèle grinçante.

Le bout du chemin vaut moins que le tunnel le précédant.


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