mercredi 12 juillet 2017


" Et puis, dans une jungle de Bolivie, je suis mort.
Tu me connais comme le Zéro. Tel est le nom que l'Histoire m'a donné. Zéro le destructeur, Grand Dévoreur du Monde"

***

Bien le bonjour les aminches.

Plantons le décors, voulez-vous...

Une route escarpée, sinueuse, serpentant à flanc de montagne acérée. Un château lugubre, tout en tours heurtées, élancées. Un majordome bossu, prénommé Igor, une voix grumeleuse , éraillée, à donner l'envie de lui extirper les glaires à l'aspirateur de table. 

Et le maître des lieux, faisant rouler les R sur sa langue tel John Bonham les baguettes sur sa caisse claire, vêtu d'une cape fourrée, même en plein été, fixant intensément notre jugulaire que c'en est gênant. 

Le vampire transylvain, modèle classique.

Ou bien z'avez le lycéen post pubère, plus pâle qu'un fan gothique sur le retour de The Cure, aussi riant qu'un bol de céréales sans lait, ni bol, ni céréales. 

La vampire (twi)light, modèle commercial.

Justin Cronin...


... En 2011, dépoussiérait le mythe du caniné expansé en le situant dans un livre dystopique post apopo. C'est en soi novateur tant le vampire tend à se fondre dans le paysage, à prélever discrètement sa pinte de sang nourricière. 

Années 2010. Dans le Tennessee, Amy, une enfant abandonnée de six ans est recueillie dans un couvent... 

Dans la jungle bolivienne, l'armée américaine recherche les membres d'une expédition atteints d'un mystérieux virus... 

Au Texas, deux agents du FBI persuadent un condamné à mort de contribuer à une expérience scientifique gouvernementale. Lui et les autres condamnés à la peine capitale participant au projet mutent et développent une force physique extraordinaire.

Les deux agents du FBI sont alors chargés d'enlever une enfant, Amy. Peu après que le virus a été inoculé à cette dernière, les mutants attaquent le centre de recherches. 

Près d'un siècle plus tard. Une communauté a survécu à l'apocalypse causée par l'attaque des viruls, ainsi qu'ont été baptisés les mutants. Une adolescente la rejoint bientôt. Une puce électronique implantée sous sa peau révèle qu'il s'agit d'Amy, âgée désormais de plus de cent ans mais qui en paraît à peine quatorze... L'aventure ne fait que commencer.

Formidable ! 

Une dystopie s'arrachant au livre jeunesse (HUGER GAMES et autres) pour nous conter un Armageddon in progress.

Quelques temps après, 2013, Justin continua son travail de sape du vampire torturé et romantique. 

De nos jours. Alors que le fléau déclenché par l'homme se déchaîne, trois étrangers naviguent au milieu du chaos. 

Lila, enceinte, est à ce point bouleversée par la propagation de la violence et de l'épidémie qu'elle continue de préparer l'arrivée de son enfant comme si de rien n'était. Kittridge, surnommé « Ultime combat à Denver » pour sa bravoure, est obligé de fuir pour échapper aux mutants viruls, bien conscient qu'un plein d'essence ne le mènera pas très loin. April, une adolescente à la volonté farouche, lutte pour protéger son petit frère. 

Tous trois découvriront bientôt que l'espoir demeure, même au cœur de la plus sombre des nuits.

Cent ans plus tard. En quête du salut de l'humanité depuis l'apparition des douze vampires à l'origine de la prolifération des viruls, Amy et ses compagnons ignorent que les règles du jeu ont changé. Les Douze ont donné naissance à un pouvoir occulte, incarné par le maléfique Horace Guilder et porteur d'une vision de l'avenir infiniment plus effrayante encore.

Un livre plus politique. 

Où l'on suit nos survivants bien décidés à éradiquer le Virul. 

Sacrée trouvaille que ce virul...


... Chauve souris bipède. Évacué le Roumain distingué à l'accent sl(u)ave, welcome à la saloperie  décharnée, assoiffée, la capacité de raisonnement d'un roulement à billes.

Géniale suite !


Cependant, Justin, en bon américain, baignant continuellement dans une société  aux références bibliques permanentes, le sait bien : il faut toujours compter jusqu'à treize.

En 122 apr. V., soit 122 ans après l'apparition en Amérique du Nord d'un virus qui a décimé la population, la vie semble reprendre ses droits. 

Ce virus, à la suite d'une expérience gouvernementale, a été inoculé à douze personnes, qui, transformées en monstres assoiffés de sang, ont propagé le mal. Mais quelques poches de population ont réussi à combattre et à éliminer les Douze, mettant un terme à un siècle de terrifiantes ténèbres. 

Les survivants sortent de derrière leurs hauts murs, déterminés à reconstruire leur société, et osent désormais rêver d'un futur meilleur. Mais est-ce la fin du cauchemar ou une simple accalmie avant le déchaînement d'autres forces obscures ?

Loin d'eux, dans une métropole à l'agonie, le Zéro attend. Le Premier. Le père des Douze. L'angoisse qui a brisé sa vie humaine le hante, et la haine qu'a engendrée sa transformation le brûle. Seule pourrait l'apaiser la mort d'Amy – le dernier espoir de l'Humanité, La Fille de nulle part – qui a grandi pour se dresser contre lui.

Ici me revient un souvenirs de mes jeunes années. L'âge où je visionnais les épisodes de The Twilight (décidément) Zone. 

Un homme s'étant fait implanter une glande féline bénéficie des multiples vies associés aux félidés. Les dépensant foutrement connement, le type décide de finir en beauté et se fait enterrer vivant (!) afin de réapparaître tel un Lazare crotté devant la foule médusée. 

Dans son cercueil capitonné, sous une dalle de béton armé, il se remémore ses différentes morts. 

Puis... 

La mort du chat putain !!!!

Celui à qui on a enlevé cette foutue glande. Bordel de bite en mousse ! Il a oublié la mort du chat ! Il n'a plus de point de vie disponible. L'épisode se clôt sur le malheureux hurlant et martelant les parois de son tombeau.

Nos survivants sont dans cette même incompétence mathématique et mémorielle. Ils ont oublié la patient zéro. 

Exceptée Amy, qui patiente enfermée dans un container. Amy transformée en virul dégueu à la fin des DOUZE. 

Elle patiente. 

Et nous aussi. 

Un brin.

Ce dernier tome est clairement moins bon que les deux précédents. Centré sur Fanning, le patient zéro, LA CITE DES MIROIRS se veut plus profond moins tourné vers la tension qui traversait LE PASSAGE et LES DOUZE. 

Justin Cronin n'a pas toujours été cet auteur de SF bankable, genre un poil sous estimé pour rester poli, il a aussi tâté de la la littérature plus tradi. Il nous le rappelle en détaillant dans un bon quart de son pavé, la trajectoire de Fanning dans une partie relevant du roman universitaire, initiatique et tragique. 

Loin d'être désagréable, éclairant quant à la haine que va développer Fanning envers l'humanité, enfin pas vraiment la haine mais une indifférence amère, cette parenthèse a le gros inconvénient de freiner le tempo, le ralentir et dure trop longtemps. 

Délaissant sa radicalité antérieure, il fait de Fanning un vampire classique, à face humaine, nihiliste philosophe, qui dénie à l'humanité le droit de continuer, appelant à une saine purge.

"Réfléchissez à l'espèce que l'on appelle « humaine ». Nous mentons, nous trichons, nous convoitons le bien d'autrui et nous le prenons ; nous nous faisons la guerre, et nous la faisons à la Terre aussi ; nous fauchons les vies par multitudes. Nous avons hypothéqué la planète et dilapidé le produit en futilités. Nous avons peut-être aimé, mais jamais assez bien. Nous ne nous sommes jamais vraiment connus. Nous avons oublié le monde ; à présent, c'est lui qui nous a oubliés. Combien d'années passeront avant que la nature jalouse reprenne possession de cet endroit ? Avant que ce soit comme si nous n'avions jamais existé ? Les bâtiments s'écrouleront. Les gratte-ciel s'effondreront. Les arbres s'élèveront, étendant leurs frondaisons. Les océans monteront, lavant tout ce qui restera."

Par tronque, quand les Viruls se déchaînent. La montée en tension, ces petits signes qui trahissent la tempête de merde qui s'annonce... ces pages sont saisissantes et trahissent un savoir faire certain.

Justin est un très bon écrivain. 

Baignant parfois dans un mysticisme new age passablement gonflant, LA CITE DES MIROIRS a tout de même son lot de morceaux de bravoure et conclut cette trilogie d'une plume honnête et carrée à défaut d'être renversante. 

Les dernières pages sont très réussies, émouvantes et résilientes. 

Alors oui, la tendance de Justin à ménager un échappatoire salvateur à chacun de ses personnages, dans une espèce de monde parallèle fantasmé, est un brin gnangnan au jus de flan. 

Rien n'interdit à Justin d'avoir la foi cela dit, d'espérer envers et malgré tout. 

N'empêche...

Je préfère quand Justin a peur.

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