vendredi 7 juillet 2017


"Ça m'est égal ! Si elle doit y perdre sa carrière, sa réputation ou même un bras ! Ça m'est égal !"


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Salutations les aminches.

Deux des séries les plus enthousiasmantes de ces dernières années ont le même théâtre d'ombre : l'espionnage.

Honneur aux anciens.


THE AMERICANS entame son dernier tour de piste. Après cette saison 5, il n'en restera plus que deux pour boucler le fatum des Jennings, notre couple d'espions russes, infiltrés chez l'Oncle Sam.


Le BDL quant à lui tient fermement sa ceinture de meilleure série française actuelle. Cela fait déjà trois ans que Malotru et sa bande nous tiennent en haleine fraîche ! En outre, Le BDL, chose rare pour une série hexagonale, a pris en compte la dimension de rendez-vous pour une série et revient tous les ans. 

Certes ces deux séries ont l'espionnage en commun mais elles ne nous parlent pas tout à fait de la même chose.

Tout d'abord elles s'inscrivent dans deux temporalités différentes. 



THE AMERICANS jouent à plein la nostalgie (??!) Reaganienne, America is back, où deux blocs inconciliables, antagonistes, s'excluant l'un l'autre, se font face. Peu de technologie de pointe, lunettes de soudeurs, écran prompteur vert fluo et méthodes à l'ancienne : boite aux lettres dormantes, filature en doublette, etc.


LE BUREAU DES LÉGENDES est une oeuvre contemporaine. Un des deux blocs a implosé et l'autre n'est pas au mieux. Les cours de géopolitiques se sont complexifiés. Le BDL se coltine notre modernité poisseuse, l'Etat Islamique excluant le reste de la planète. Le BDL perd ce petit côté exotique eigthies finissantes mais nous parle immédiatement (malheureusement). 

Ces deux séries privilégient en revanche l'humain et ne prônent pas un tout technologique tenant parfois de la magie dans certaines séries (américaines et mauvaises, pour la plupart). 

THE AMERICANS par la force des choses, les années 80 ne connaissant pas le téléphone portable (les show runners étant par là même privés d'une ressource scénaristique inépuisable), les GPS, la géolocalisation etc. Le BDL plus par choix assumé: Q n'existe pas. Le BDL a l'art et la manière de nous balancer des technologies de pointes sans nous égarer, en nous rappelant que rien ne remplace l'infiltration et le retournement.

Cette humanité prégnante est formidablement servie par un casting multi étoilé. 


Que Matthew Rhys et Kerri Russel n'aient pas encore décroché un Emmy est un pur scandale. Quand le moindre perso de GAME OF THRONES n'a qu'à lâcher une caisse pour arborer le joli presse papier doré sur son rebord de cheminée.


Le cast du BDL n'est pas en reste. Mené par un Kassovitz impeccable d'impassibilité subtile, l'ensemble des acteurs fait preuve d'une retenue qu'on associe bien volontiers à l'exercice d'une profession réclamant goût du secret et sang froid. Ce ne sont pas des énervés du bocal les agents secrets ou bien ils ne durent pas.

A vrai dire, le BDL est une vraie série d'espionnage, bien plus que THE AMERICANS. Elle s'égare rarement vers l’intime et le personnel. L'on reste collé au terrain. Encore plus dans cette troisième saison qui voit notre Malotru en mauvaise posture, détenu par Daech, préservé fragilement par son statut d'agent français, donc négociable, donc bankable...

La présentation de sa détention, l'inhumanité de ces bourreaux, est magistrale. C'est la première fois que l'on devine Malotru en bout de course. La réaction de la DGSE, ses anciens collègues, leurs états d'âme (doit-on tout faire pour sauver Malotru, une taupe, un traître ?), l'incroyable machinerie mise en branle pour le retrouver et le ramener sont tout aussi exemplaires d'un script serré et d'une mise en scène au corbeau. 

Le BDL est une série addictive, haletante, comme avait su  l'être la première saison de HOMELAND en son temps.


THE AMERICANS se la joue plus "soap" (avec d'énooooooooormes guillemets). La pari osé de mettre Paige, fille aînée des Jennings, dans la confidence se révèle payant sur un plan scénaristique. 

THE AMERICANS est vraiment une série au long cours, bluffante de régularité dans l'excellence. Chaque saison est directement le prolongement de la précédente et forme pour l'instant une oeuvre sans césure, d'une fluidité remarquable. 

Moins tournée vers le suspense et la tension que le BDL, THE AMERICANS prend parfois plus son temps et accélère par à coups, accélération qui nous laissent pantois. 

En outre, ces deux séries mettent en avant un sentiment que l'on croyait ringard et joyeusement enterré, qui se révèle finalement dans une forme olympique : le patriotisme. 

Et les accrocs que l'on s'autorise dans la tapisserie de nos bannières étoilées. Si Keri Russel/Elizabeth est une lame, encore pétrie d'un foi de charbon (qui vacille néanmoins), Matthew Rhys/Phillip trébuche, ses atermoiements, ses failles, son écœurement, rythment la série. Et franchement, peut-on imposer à ses enfants une vie d'exil en URSS quand tout sera fini, si l'on a la chance de pouvoir s’exfiltrer à temps ?

Malotru trahit son pays par amour mais se sacrifie pour essayer de se racheter une conduite, se punir, se laver...

Enfin, ce qui rapproche ses deux séries, en dehors de leur qualité intrinsèque, c'est le refus de tout manichéisme. 

Non l'URSS n'est pas juste peuplé de brutes fanatisées même si la sénescence du système soviétique est implacablement démontrée. Non les Américains ne vivent pas dans un pays de cocagne merveilleux, un Eden préservé, ce que dit fort justement un exilé russe "vous avez tellement de mal à être heureux".


Non la France n'est pas un phare des Nations, l'avant poste de la civilisation éclairée mais tripatouille bien salement pour préserver ses parts de marché. Tout le monde est sacrifiable, tout le monde. 


Difficile de dire quelle est la meilleure. 

Si je n'ai pas été entièrement convaincu par le rebond super Malotru de l'intrigue BDL, le début de la saison 5 de THE AMERICANS patine un brin dans le Bortsch. 

Mais, franchement, c'est peanuts au regard du visionnage bingesque qui nous cloue au canap'. 

Et pourquoi choisir ?

Quand on peut avoir les deux.

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